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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 44 l'Instinct de l'équarrisseur

Keep Watching the Skies! nº 44, août 2002

Thomas Day [Gilles Dumay] : l'Instinct de l'équarrisseur

roman fantastique ~ chroniqué par Philippe Paygnard

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Certains auteurs sont éminemment prévisibles. Il en est ainsi dont on sait immédiatement, dès les premières lignes, que l'on va lire, pour l'un, un bon polar, pour l'autre, un roman fantastique qui va nous tenir en éveil toute la nuit, et pour ce dernier, une superbe aventure nous entraînant en pleine fantaisie. Mais, lorsqu'on achète un livre signé Thomas Day, il est quasiment impossible de savoir à l'avance ce qui nous attend en tant que lecteur. Avec Day, la quatrième de couverture peut se révéler encore plus trompeuse qu'à l'accoutumée.

Déjà, au gré de ses nouvelles, ce romancier inclassable avait abordé pratiquement tous les genres de littératures de l'imaginaire. Il poursuit dans cette voie avec les quatre romans qui viennent de paraître en moins de huit mois. En cherchant bien, le seul véritable point commun de tous ses récits est qu'ils sont tous écrits avec une véritable passion, une certaine violence qui se sent dans une écriture vive et dynamique et qui se retrouve forcément à la lecture. Depuis l'été dernier, Day nous a ainsi offert une aventure dans l'espace (les Cinq derniers contrats de Dæmone Eraser), un sombre polar à méditer (Nous rêvions d'Amérique), un “manga littéraire” en collaboration avec Ugo Bellagamba (l'École des assassins) et une novellisation bio-hazardeuse (Resident evil). Au fil de ses écrits, il est certain que Thomas Day fait preuve d'un réel éclectisme qui ne se dément toujours pas avec l'Instinct de l'équarrisseur.

À l'origine de ce roman se trouve une longue nouvelle, intitulée "la Face claire des ténèbres", publiée en 1998, dans le douzième numéro de CyberDreams. Alors dirigé par Sylvie Denis, cet ultime opus de la revue des nouveaux mondes de la Science-Fiction est consacré aux destins parallèles. Dans cette nouvelle, Thomas Day met en scène le romancier Arthur Conan Doyle en train de coucher sur le papier une aventure de son héros, Sherlock Holmes [1] . Mais, ce dernier n'est pas qu'un héros de fiction. Dans un monde parallèle qu'a visité Conan Doyle, Holmes n'est pas le détective de génie que tout le monde connaît. Dans cet univers qui a connu la venue impromptue d'un peuple extraterrestre, les Worsh, Holmes réside au 2021 bis Baker Street de la ville de Londen et il est l'assassin royal de sa majesté Epiphany Ire de la Monarchie Libertaire Britannique. Le temps de cette aventure, romancier et héros enquêtent sur la série de crimes atroces qui frappe le quartier de White Chapel à Londen comme à Londres.

L'Instinct de l'équarrisseur reprend et va bien au-delà des événements contés dans "la Face claire des ténèbres". Il permet de retrouver Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes et le professeur Watson dans leurs aventures entre deux mondes. Mais on découvre aussi d'autres personnages aussi fascinants qu'Elizabeth “Shiva” Worrington, James Pretorius Moriarty ou Jack London qui entraînent le lecteur sur les chemins tortueux de l'immortalité.

Au final, l'Instinct de l'équarrisseur est un livre particulièrement difficile à classifier. À l'évidence, c'est un roman fantastique puisque l'on y croise des démons et des vampires. C'est aussi de la Science-Fiction véritable car Conan Doyle visite le monde parallèle où Sherlock Holmes vit une vie sensiblement différente de celle narrée par le romancier. Ce récit appartient même à la veine steampunk de la S.-F. car Sherlock Holmes habite un XIXe siècle où la technologie extraterrestre Worsh a permis une évolution fort différente de notre Histoire. Par moments, l'Instinct de l'équarrisseur ressemble aussi à un polar historique lorsqu'Arthur Conan Doyle et Oscar Wilde se lancent sur les traces de Jack l'éventreur. Si tout cela ne correspond pas à la fusion des genres prônée, à une certaine époque, par Francis Valéry, ça y ressemble beaucoup. Et lorsque le résultat de cette fusion est aussi intéressant que l'Instinct de l'équarrisseur, on ne peut être que séduit.

Notes

[1]  Le personnage de Sherlock Holmes a connu de multiples incarnations apocryphes. Parmi ses nombreuses pérégrinations hors du Canon, le héros de Sir Arthur Conan Doyle a ainsi eu l'occasion de croiser la route de Dracula (dans le Dossier Holmes-Dracula de Fred Saberhagen) et, plus récemment, d'aller faire un tour sur la lune (dans "l'Aventure de la cité ultime" de Sylvie Denis).