KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

J.R.R. Tolkien : Monsieur Merveille

(Mr. Bliss, 1982)

conte merveilleux

chronique par Jérôme Charlet, 2010

par ailleurs :

Monsieur Merveille est une aventure éditoriale étrange : les éditions de la Mercurie viennent de publier ce petit conte pour enfants de J.R.R. Tolkien, qui était jusque-là… inédit en français — on ose à peine y croire !

Écrit et dessiné à la main pour ses propres enfants, ce livre raconte les mésaventures de monsieur Merveille, un aristocrate aux grands chapeaux, qui vit à la campagne, qui vient d'acheter une jolie automobile toute jaune. Cette histoire simple (sans tomber dans le simpliste) est peuplée de campagnards, d'ours (qui portent les noms des ours en peluche des Tolkien père et fils) et même d'un “lapirafe” (mélange incongru d'un lapin et d'une girafe, au cou rétractile ; notons d'ailleurs ici l'excellente traduction du terme girabbit…), et promène monsieur Merveille (et les lecteurs) dans un monde codifié en perpétuel glissement (les ennemis deviennent amis, les amis se conduisent mal, le lapirafe est tantôt un animal de compagnie, tantôt plus…, etc.)

Ces codes, d'ailleurs, éclairent les autres œuvres de Tolkien (les personnages au chapeau, une certaine esthétique, quelques scènes qui ne sont pas sans rappeler des passages de Bilbo le Hobbit…)

Le conte, s'il faut le dater, doit avoir été écrit dans les années 30, lors de vacances estivales. Confié à ses éditeurs habituels (Allen & Unwin) en 1936-37, il fut refusé en l'état par ces derniers car les dessins en couleur qui accompagnent le texte auraient nécessité un investissement bien trop grand par rapport au prix de vente de l'ouvrage. Ils lui demandèrent donc de retravailler ses dessins en… trois couleurs !

Tolkien repoussa encore et encore le moment de réaliser ce travail — d'autant qu'il n'en avait pas du tout envie : « Trois couleurs ! Quel fléau ! Le vert est essentiel et les ours méritent du brun ! ». Tant et si bien qu'il résolut de laisser dormir cette petite fable facétieuse dans le cahier où elle fut produite.

Après sa mort, certaines de ses possessions furent vendues aux enchères, dont le fameux cahier, acquis par la bibliothèque de l'université de Milwaukee. En 1982 (soit neuf ans après la mort de Tolkien) fut édité pour la première fois ce conte oublié.

Et il faudra attendre fin 2008 pour que les éditions de la Mercurie en donnent une version francophone, qui propose qui plus est un fac-similé du cahier original en regard du texte français.

L'ensemble forme un bel ouvrage, bien réalisé, qui pourra plaire aux enfants, à quelques adultes, et à tout fervent Tolkienniste.

Jérôme Charlet → Keep Watching the Skies!, nº 65-66, juillet 2010

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