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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 19 the Multimedia encyclopedia of Science Fiction

Keep Watching the Skies! nº 19, mai 1996

John Clute & Peter Nicholls : the Multimedia encyclopedia of Science Fiction

CD-ROM interactif inédit en français ~ chroniqué par Christine Luce

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Grolier est aujourd'hui mondialement connu pour ses dictionnaires et encyclopédies électroniques. Cette maison d'édition pratique un prix attractif et même économique pour des produits de qualité. Bien sûr, il faut une bonne connaissance de l'anglais.

Grolier nous offre Science Fiction, une encyclopédie sur le genre, et non la moindre, puisqu'il s'agit d'une version multimédia du célèbre ouvrage de Nicholls et Clute, the Encyclopedia of Science Fiction, dont Asimov disait qu'elle était la “Bible” du fan.

Cette encyclopédie, publiée pour la première fois en 1979 dans sa version papier, obtint l'année suivante le prix Hugo de la meilleure prestation gravitant autour de la littérature de science fiction. Elle a été remaniée et complétée en 1993 pour sa nouvelle édition et, si certaines entrées ont été élaguées, d'autres ont fait une apparition remarquée, "Cyberpunk" par exemple. De nouveau, l'encyclopédie reçut le Hugo en 1994, tandis que Peter Nicholls se voyait décerner le Pilgrim Award, un prix décerné aux auteurs contribuant à la connaissance et à l'étude de la science fiction. La transposition multimédia s'avère donc très intéressante, sans compter qu'elle a encore été révisée pour l'occasion en mai 1995.

Les auteurs, l'australien Peter Nicholls et le britano-canadien John Clute, sont d'éminents connaisseurs de la science fiction. Ils se sont adjoints quelques personnalités marquantes de la littérature comme Brian Aldiss, Thomas Disch, Brian Stableford ou John Sladek afin de présenter un ouvrage référentiel juste mais suffisamment ouvert à diverses opinions pour garder une certaine objectivité.

Avec de telles prémices, Science Fiction détient déjà un gage de respectabilité. Il ne s'agit pas là d'une vague mise en CD à la mode mais bien d'un ouvrage culturel sérieux et complet. Sous la houlette de Grolier, le livre s'est transformé en un outil hypertexte soigné, agrémenté de documents multimédia intéressants qui ne pouvaient bien sûr exister en édition classique.

La Machine à Connaître la Science Fiction

Sur PC, le CD fonctionne sous Windows, et l'installation ne présente aucune difficulté. Il faudra compter entre 6 et 11 MO disponibles sur le disque dur. Il existe également une version Mac.

Science Fiction se présente sous la forme d'une fenêtre de deux tiers de l'écran occupée par des icônes, des menus déroulants et des expressions surlignées.

Il est hélas impossible d'afficher les fenêtres vidéo, photographiques ou textuelles en dehors de l'écran principal ni même les faire se chevaucher à l'intérieur. Chaque phase se succède et il faudra recourir à la commande "History" pour naviguer entre plusieurs documents de travail, par exemple.

Une recherche en forme d' étoile

La recherche s'articule en cinq modes, "Archives", "Themes", "Book Browser", "Time Machine" et "Word Search". Le mode Archives englobe en fait les trois suivants et fonctionne par thème, nom, titre et époque, tandis que le dernier permet d'établir des requêtes plus fines à l'aide des termes "and" et "or" plus les jokers " ?" et "*" sur deux propositions.

Les "Archives" et leurs commensaux sont activés en cliquant sur leur bouton respectif. Chaque sélection se réalise en faisant défiler les ascenseurs ou en tapant dans le cadre réservé le nom du document recherché. Cette dernière option propose une recherche alphabétique en temps réel (si vous cherchez Asimov, taper "As" vous conduit déjà aux termes commençant par ces deux lettres), un excellente initiative utile lorsque l'orthographe n'est pas sûre.

La navigation entre chaque document se fait très simplement par lien hypertexte. Les vidéos, photos et bandes-son sont affichés sous forme d'icône dans le haut de la fenêtre et sont consultables à tout moment. Rien n'est plus simple (et plus agréable !) de se balader à l'intérieur du programme sans idée préconçue. La commande "History" donne la possibilité d'effectuer un large retour en arrière dans vos consultations. Aucune aide en ligne n'est présente mais une fichier d'aide conséquent aidera l'utilisateur dans ses premières démarches.

Contenu tentaculaire, pand émie assurée !

Si le contenant est honorable, le contenu est réjouissant. Science Fiction propose plus de six mille entrées. Un panorama complet du genre dans tous ses états puisque, si la littérature s'y taille la part du lion, cinéma, peinture, BD, télévision et manifestations ne sont pas oubliés. Bien sûr, l'essentiel des documents concerne la culture anglophone. Malgré un effort très net de “mondialisation”, la science fiction étrangère est sous représentée.

J'ai noté cependant la présence de certains de nos auteurs nationaux… des siècles derniers ! Il est remarquable de constater la longueur des voyages Outre-Atlantique à notre époque, à moins qu'il ne s'agisse en fait d'une distorsion temporelle particulièrement vicieuse.

En fait, peu d'auteurs modernes sont cités et encore moins possèdent leur propre entrée. On saluera néanmoins la présence de Stefan Wul, Gérard Klein et de Daniel Walther (le benjamin des auteurs français dotés d'une rubrique, puisqu'il a moins de soixante ans, hahem…) parmi feu leurs concitoyens Rabelais, Voltaire ou, tout aussi fantomatiques mais plus récents, Robida, Verne, etc.

Ne comptez donc pas sur Science Fiction pour découvrir force détails sur l'œuvre de Brussolo, Ayerdhal, Canal ou même Andrevon, même s'ils sont cités dans l'article "France". Les autres pays européens comme ceux des autres continents sont aussi peu développés, seule la Grande Bretagne échappe à la “malédiction” de la barrière des langues !

Le Who's Who de la SF

Du bon Docteur Asimov aux ténébreux cyberpunks Gibson et Sterling, tous les auteurs majeurs possèdent leur bibliographie et quelques détails marquants de leur biographie. Leur date de naissance, et le cas échéant, de décès, leur nom véritable s'il y a lieu, leurs éventuels autres pseudonymes.

Mieux encore, leur photographie est associée à leur entrée ou directement consultable en mode "Gallery" qui collecte tous les documents multimédias présents sur le CD. C'est d'ailleurs là l'intérêt majeur du support. Vidéos, bandes sonores, nombreuses illustrations, jaquettes de livres, affiches de cinéma et esquisses sont à portée de l'œil de l'amateur ravi.

Il est déjà bien agréable de voir et d'écouter nos auteurs favoris grâce à des vidéos de très bonne qualité. Cet intérêt est accru par le contenu de leur discours puisque chacun exprime son opinion et ses connaissances réunies dans la rubrique "Thèmes" sous plusieurs chapitres. Des sujets aussi divers que le voyage dans le temps, la femme dans la SF, l'intelligence artificielle ou le mythe de Frankenstein sont abordés par de grands auteurs de science fiction interviewés et filmés.

Au programme, des écrivains tels que Moorcock, le redoutable chef de file de la New Wave dans les années 70, Delany, linguiste distingué et détenteur d'une chaire universitaire d'enseignement de la science fiction, Sterling, le théoricien du mouvement cyberpunk ainsi que Gibson bien sûr, Ursula Le Guin, Lisa Tuttle, Arthur Clarke, etc.

Des documents sonores viennent compléter cette belle collection. Il est, entre autres, touchant d'entendre Isaac Asimov expliquer pourquoi nous sommes obligés d'utiliser toujours plus la technologie. J'aurai aimé écouter d'autres disparus comme Heinlein ou Sturgeon, mais bon…

La biblioth èque du vaisseau

La rubrique "Book Browser" recense 300 romans importants accompagnés de leur jaquette en couleur et d'un rapide résumé. Classés en grands thèmes, la liste est intéressante mais demeure un peu trop succincte pour constituer un domaine de recherches sérieuses ou, tout simplement, lire hors des sentiers battus. Demeurent l'intérêt des couvertures originales, souvent illustrées par des artistes habitués du genre, et une bonne base pour les lecteurs néophytes.

À nouveau, la barrière de la langue gênera l'utilisateur néophyte car les titres sont évidemment les titres originaux et non ceux de l'édition française. Si Helliconia Spring (le Printemps d'Helliconia) d'Aldiss se trouve facilement, il devient plus complexe de deviner, derrière Soleil vert ou l'Autre moitié de l'Homme, Make room! Make room! de Harry Harrison et the Female Man de Joanna Russ.

Satellites ciné, BD et illus

Côté BD, cinéma et illustration, les sujets sont moins nombreux et certainement moins riches. Le cinéma est illustré par moins d'une dizaine d'extraits vidéo, d'excellente qualité, il faut le signaler. La liste de films se borne aux conventions du genre, les auteurs plus confidentiels ou plus populaires ne sont guère à la page et Bava ou Pyun ne figurent pas au panthéon qui compte des cinéastes comme Cameron, Spielberg, Carpenter, Altman, Corman et Band (mais n'en est-il pas de même pour la littérature ?). Notons également la présence de plusieurs films français et, fait curieux, beaucoup plus actuels que les romans cités dans les archives. Delicatessen y est même qualifié de film culte autant en France qu'outre-Atlantique !

La BD et l'illustration sont les parents pauvres ; Frazetta, Corben trouvent une place de choix et la reproduction de quelques-unes de leurs œuvres. Dave Gibbons, le talentueux dessinateur des Watchmen, a bien une entrée mais aucune planche photographiée.

Plus étonnant, aucune peinture de Giger n'accompagne sa présentation alors qu'il ne semble pas avare de prestations micro-informatiques (le screen saver édité par Cyberdreams [1], le jeu Darkseed). Frank Miller, Jack Kirby, Rowena Morril, Jean Giraud dit Moebius, aucun d'eux n'est iconographié et c'est bien dommage ! Peut-être faut-il soupçonner un problème de copyright ou simplement un manque d'intérêt ? Enfin, mis à part l'auteur d'Astro, Tezuka, il ne s'y trouve aucun autre dessinateur de manga.

Aucune part n'a été donnée aux autres arts, en particulier la musique qui a pourtant souvent lorgné du côté de la science fiction. David Bowie en est un bon exemple, ou mieux, Blue Oyster Cult qui a compté Moorcock au nombre de ses paroliers.

La Machine de Wells

"Time Machine", la dernière rubrique offerte par Science Fiction, est en fait une frise chronologique. Elle couvre une période allant du XVIe siècle à nos jours, plus détaillée au fur et à mesure que la science fiction a pris son aspect moderne. Clute et Nicholls ne cautionnent pas le courant d'opinion faisant remonter la SF à Gilgamesh !

Joliment réalisée, cette frise indique les œuvres ou les prestations marquantes du genre et, en parallèle, les événements importants survenus et ayant influencé le cours de la littérature de science fiction. À moins qu'au contraire, on puisse y voir la SF influencer la réalité. L'écrivain Cleve Cartmill en fit les frais en 1944. Il faillit être arrêté, convaincu d'espionnage parce qu'il décrivait minutieusement la bombe atomique dans une nouvelle, "Deadline", parue peu avant les premiers essais nucléaires ! Campbell, rédacteur en chef d'Astounding qui publiait Cartmill, réussit à convaincre le FBI de l'innocence de son auteur.

En option gratuite, votre navette orbitale

Enfin, l'encyclopédie propose une option "Collections" qui vous permet de créer vos propres collections et d'y rassembler les articles ou documents multimédias qui vous intéressent. L'utilisation la plus évidente semble être le regroupement, par exemple, d'une étude plus pointue ou d'une liste de livres sélectionnés.

Il est par contre impossible de créer des liens supplémentaires ni, et c'est dommage, d'intervenir sur le contenu des objets. Ainsi, la date du décès de John Brunner, survenu le 25 août 1995, ne peut être validée ni sauvegardée sur le disque dur.

Plus enthousiasmant, les fonctions Imprimer, Sauvegarder et Copier font partie des petits plus qui font les grandes joies. Au format. txt ou. bmp, rien ne vous empêchera d'exporter vers votre traitement de texte ou votre fond d'écran les documents qui vous plairont.

Fin du voyage spatial

Pour conclure, cette encyclopédie devrait ravir les fans de SF et les laisser longtemps scotchés devant leur écran. Jusqu'à ce qu'une frénésie étrange les fasse courir vers une librairie, une salle de cinéma ou un vaisseau spatial…

Pour ma part, j'ai réalisé cet article sans me lever 106 fois afin de consulter mes notes, ma bibliothèque ou mes piles de fanzines et revues juste pour une orthographe incertaine ou une date suspecte. Rien que pour cela, j'ai bien envie de fabriquer un ex-voto à la gloire de Nicholls, Clute et Grolier !

Notes

[1] Il ne s'agit visiblement pas de la revue de SF de Francis Valéry… — NdlR.