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Gérard Klein : préfaces et postfaces

Anthologie composée par Gérard Klein : Histoires de robotsles Maîtres de la Science-Fiction

Livre de poche nº 7195, avril 1997

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Le thème des robots est peut-être le plus ancien de toute la littérature de Science-Fiction. Des esclaves mécaniques fabriqués par le dieu forgeron Héphaïstos figurent déjà dans la [Couverture du volume]mythologie classique. Et le Golem est-il autre chose qu'un robot d'argile, donc en partie de silice, donc contenant ce silicium dont on fait les composants d'ordinateurs ? Sous la forme de l'homme (ou de la femme) artificiel(le), sans avoir encore de nom à eux, les automates humanoïdes hantent la littérature fantastique. C'est que l'idée du serviteur manufacturé, aussi polyvalent qu'un être humain et lui ressemblant assez pour s'y méprendre, intelligent, éventuellement sensible, mais n'éveillant chez son maître aucune culpabilité puisqu'il n'est qu'une machine et que sa propriété n'implique en principe aucun manquement aux droits de l'Homme, avait de quoi faire rêver.

Le robot est avant tout un esclave sur lequel peuvent venir s'accrocher impunément tous les fantasmes nés de la triple aliénation du travail, de la loi et de l'interdit sexuel. Impunément parce que le robot est comme un Homme, mais qu'il n'est pas un Homme. Il y a là quelque chose d'inquiétant. De plus, la simulation de la vie et de l'intelligence empiète sur les privilèges du Créateur. Le mot lui-même, moderne, de robot qui signifie travailleur en tchèque, a été forgé par Karel Čapek en 1921.

Les écrivains ne s'y sont pas trompés. Derrière l'Homme de métal, sous la peau de plastique, ils ont tout de suite vu le sujet prompt à se rebeller contre son créateur et maître, propre à le séduire pour mieux le perdre, à le supplanter, voire à l'oublier au point de se prendre pour l'humain authentique. Le robot est aussi le conjoint idéal, la mère parfaite encore que parfois envahissante dans son désir d'absolue protection, le garde du corps incorruptible, l'aide-mémoire vigilant, le Surmoi ambulant, l'adorateur inlassable de ce petit dieu fragile et imbu de lui-même qu'est l'humain. Mais comme toute machine, il coûte cher, il ne connaît que la consigne et il est susceptible de se détraquer. Et puisqu'il est conscient, il est susceptible de réclamer les mêmes droits que les humains : c'est la révolte des robots qui évoque à la fois la révolte des anges et celles des classes dangereuses, du prolétariat industriel. En somme, ce substitut de l'humain menace l'Homme à la fois de l'intérieur, à travers ses désirs, et de l'extérieur, comme force intelligente et autonome.

Il fallait contenir ce fauteur potentiel de troubles. C'est ce que fait Isaac Asimov en imaginant les trois lois de la robotique qui lui auraient été soufflées par John W. Campbell, Jr., écrivain de Science-Fiction prestigieux et rédacteur en chef de la revue Astounding science fiction. Les voici, telles qu'elles apparaissent pour la première fois en 1942 dans une nouvelle, "Cercle vicieux" :

première loi

un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger

deuxième loi

un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la première loi

troisième loi

un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'est pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi (1)

Il va de soi que de telles règles, si elles visent à assurer la cohabitation pacifique du robot et de l'Homme, n'ont d'intérêt narratif qu'à condition d'être transgressées, ce qui interviendra dans plusieurs nouvelles de ce recueil.

Le robot est-il pour autant vraisemblable ? Les sciences et les techniques nous ont habitués durant ce siècle à des tours de force qui leur ont permis de faire exister ce qui n'avait relevé jusque-là que des rêves sur du papier, du voyage sur la Lune à l'énergie nucléaire, en passant par l'ordinateur. Mais le robot humanoïde semble condamné à rester une fiction, un être de conte de fées scientifique. Si on laisse de côté le problème de l'intelligence de la machine, qui est tout différent, il est aisé de constater que la forme humaine résulte d'une accumulation de contingences au fil de l'évolution biologique, qu'elle n'a aucun caractère de nécessité, et qu'elle est inadaptée à toute solution mécanique. Si l'on conçoit un jour une machine polyvalente, elle n'évoquera certainement pas la silhouette humaine à moins que la persistance du mythe ne conduise les ingénieurs à des prouesses contre toute raison. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le robot, après avoir été une grande figure mythique de la Science-Fiction, a presque complètement disparu de cette littérature depuis les années 1960.

Notes

(1) Ces lignes sont extraites du Manuel de la robotique, 58e édition (2058 ap. J.-C.).