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Keep Watching the Skies! nº 46, janvier 2003

Fred Saberhagen & Roger Zelazny : Engrenages

(Coils)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Éric Vial

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La quatrième de couverture va déranger Ian Fleming, et William Gibson. Ce n'est pas franchement abusif, encore qu'un tantinet exagéré. C'est effectivement un roman d'espionnage, ou un polar, avec cascade et casse de matériel, camions, autogyres, hélicos, mais finalement peu de gadgets, et pas de James Bond girls, mais deux demoiselles tout à fait convenables, des brunes idéales. Et successives, la relation du héros avec la première étant enterrée depuis belle lurette quand commence le roman. Et côté cyberpunk, on va effectivement se promener dans des ordinateurs, sans d'ailleurs que cela donne lieu à des pyrotechnies abusives, ni à des branchements compliqués. Le tout est mâtiné de X Men, ou à peu près. Avec un soupçon de XIII, côté “en avant l'amnésique”. Et beaucoup de feuilleton télé de luxe.

Grosso modo, un personnage principal auquel de faux souvenirs ont été implantés cherche à savoir qui il est, puis ce qu'est devenue sa petite amie, qui semble l'avoir plaqué mais a été enlevée. Cela commence quand il lui faut se demander d'où vient la confortable rente qui lui est régulièrement versée, et cela continue quand il s'aperçoit qu'il a le don de se projeter dans les ordinateurs, et même de trafiquer leurs informations. Comme d'autres ont celui de télékinésie, celui de télépathie, celui de guérir autrui mais aussi de le tuer. Le tout mis au service d'une société que la quatrième de couverture qualifie de multinationale, et qui a permis de résoudre la crise de l'énergie en développant massivement l'énergie solaire. Des bienfaiteurs de l'humanité, en quelque sorte. Mais en quelque sorte seulement.

D'où un démarrage un peu lent puis un mouvement uniformément accéléré, des poursuites et des recherches, des affrontements, l'usage de camions robots avec un minimum de cascades dont une à la Belmondo (jeune), une mort qui n'en est pas vraiment une (in God we trust, même si Dieu en l'occurrence est très exactement un deus ex machina), des hallucinations télécommandées, des manipulations informatiques, et un festival pyrotechnique pour finir (c'est là que le feuilleton télé potentiel pourrait nécessiter un budget légèrement supérieur à celui d'un épisode de Derrick). Mais aussi d'où, pour le lecteur et derechef, quelques interrogations quant à la quatrième de couverture. Qui pousse un peu sur les aspects les plus spécifiques à la S.-F. Expliquant qu'une « nouvelle forme de vie est en train de naître », ce qui correspond certes à la réalité du livre. Que « son esprit vit au cœur des banques de données mondiales », ce qui n'est pas faux si on le prend au pied de la lettre, si on lit qu'il s'agit de tous les ordinateurs du monde entier, et si on ne se laisse pas entraîner par une psychose mêlant Big Brother et la “mondialisation”. Qu'elle n'est « ni bonne ni mauvaise » — c'est ce qu'elle dit mais pas ce que dit le personnage principal, et en tout cas elle a des soucis éthiques qui mènent droit à la morale kantienne, et qu'elle est « simplement dangereuse », ce qui dépend évidemment de pour qui, ses interventions concrètes semblant tout à fait bénéfiques. Enfin, que la “multinationale” veut « utiliser les talents » du personnage principal « pour la contrôler »  alors qu'il semble bien qu'elle en ignore totalement l'existence, comme d'ailleurs le héros et le lecteur durant l'essentiel du roman. Disons qu'on est allé un peu vite. Qu'on a voulu en rajouter. « À tort, peut-être », comme le dit toujours la même quatrième, parce qu'on a effectivement un roman d'aventures pas mal ficelé, avec les cables normaux du genre (la mort rédemptrice des méchants pas tout à fait méchants), avec des pans un peu bâclés (un des quatre personnages à don particulier ne fait franchement que passer), mais avec toute l'efficacité de vieux routiers. Si on ose dire, du fait des camions sus-cités. Parce qu'on passe un fort bon moment, même si, on l'aura compris, le volume ne restera sans doute pas dans les annales du genre : il faut bien se changer les idées de temps en temps, par exemple dans les transports en commun.