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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 23 l'Ombre de Mars

Keep Watching the Skies! nº 23, avril 1997

Raymond Clarinard & Mikaël Ollivier : l'Ombre de Mars

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Jean-Claude Dunyach

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D'habitude, j'évite les critiques en forme de démolition en règle… Là, je vais devoir faire une exception !

Comme vous le savez tous, sans doute, la collection Fleuve noir "Anticipation" s'arrête (avec un numéro 2000 titré Wonderland de Serge Lehman et un numéro 2001 titré l'Odyssée de l'espèce de Roland Wagner, tous deux excellents). Donc, je reçois vendredi dernier dans ma boîte aux lettres les nouveaux titres des collections spécialisées qui se substituent au FNA.

Et, parmi eux, le "SF Space" (numéroté 2) titré l'Ombre de Mars, de R. Clarinard et M. Ollivier, deux nouveaux auteurs.

Chic, me dis-je, une collection qui commence par de nouveaux auteurs, c'est courageux, ça laisse bien augurer du dynamisme du truc, etc, etc. Et je m'installe tranquillement pour le lire afin de préparer l'article que je dois à la Dépêche du Midi.

Quatre-vingt pages m'ont suffi : ce livre est une merde.

Allons-y gaiement dans la démolition ! D'abord l'histoire : un groupe de cosmonautes arrive sur Mars dans une navette surdimensionnée, parce que les images de Viking, censurées par les militaires, ont montré une “ombre” qui pourrait être vivante. Bien. Donc on expédie un équipage mixte en orbite martienne, on regarde Mars par le hublot (« Martin en fut profondément ému. Une émotion brute, poignante. » page 10… Il est aussi ému dix lignes plus haut, c'est un bouquin bourré d'émotions) et quatre personnes débarquent sur Mars à bord d'un véhicule baptisé Mulet.

Mars est rouge et grandiose, on n'en saura guère plus…

Ils se posent (on laisse la nana poser le pied la première car « la galanterie sur Mars était un luxe émouvant », page 26). Et la troupe s'installe. Ils font ce que fait tout cosmonaute nouvellement posé sur une planète, ils se font à bouffer en écoutant la Hi-Fi, page 33. Puis ils font une sortie, rapportent un bout du Viking pour examen, et font sauter le champagne parce que la pesanteur le permet enfin (le bruit sec, incongru et terriblement émouvant, sur Mars, de la capitulation d'un bouchon de champagne, page 41). Puis ils bouffent pendant sept pages avec l'odeur du beurre fondu et la poudre de basilic sur les fraises entourées de glace à la vanille.

Et on part à la découverte de Mars (Rouge et Grandiose).

La tempête qui se lève est si violente que les véhicules et les rochers sont projetés, on perd un cosmonaute. Les auteurs signalent que « La tempête à elle seule aurait très bien pu envoyer le Russe à l'autre bout de Chryse » et imaginent son scaphandre en charpie. Page 72.

On retrouve ledit cosmonaute vivant mais incapable de dire autre chose que « Iarl Maria Onogda ». Une chose attaque les cosmonautes.

Quinze pages plus loin, lors d'une exploration, un couple (lui américain, elle française) découvre un fossile de machin genre dinosaure (page 99 et suivantes). Animal inconnu des humains mais quadrupède avec une tête plus large que haute !

Puis, page 116, l'entrée d'une grotte qui ne pouvait être qu'artificielle (sic) puisqu'il y a des piliers et un fronton.

J'abrège pour ménager le suspense : ils explorent la grotte (malgré le chef qui les rappelle par radio et malgré les dangers de l'escalade où la fille manque de déchirer son scaphandre). Au fond, il y a un rideau d'énergie bleue, donc le héros tente de passer la main à travers (il est courageux, ce garçon) et finit par le franchir, suivi craintivement par sa compagne (page 155). De l'autre côté, la pesanteur n'est plus la même (page 157). Donc, le cosmonaute décide d'enlever son casque pour voir si l'air, par hasard, ne serait pas respirable ! « Martin, tu ne sais même pas ce que tu es en train de respirer ! » lui dit (page 158) sa compagne. Mais tout va bien, je vous rassure ! (Il a dit « C'est génial ! » juste avant, et elle poursuivra par « C'est dingue ! » la page d'après.)

On continue : derrière le rideau d'énergie, il y a un catafalque de pierre. Martin se penche pour l'examiner et :

— Merde (dit Martin).

Il a touché un truc qui a cédé et le catafalque s'ouvre (il clignote un peu avant, page 160, et se soulève page 162).

Dedans il y a une nana à poil.

Qui se réveille (« Brutalement, la femme ouvrit les yeux. ») page 165.

Etc…

J'ajoute que c'est écrit avec les pieds, on dirait une mauvaise série télé genre “voisins voisines” (l'un des auteurs est scénariste de fictions télé). Les dialogues sont à chier, on dirait de l'américain mal traduit (l'autre auteur est traducteur), les personnages ont l'épaisseur d'une feuille de papier (les appeler des clichés serait faire injure aux photographes), c'est bourré de pléonasmes répétitifs et redondants disant tous la même chose (« Quant à Isabelle, hébétée, elle ne put dissimuler sa surprise, sa bouche s'arrondissant en un "oh" muet », page 169.). Bref, ce n'est même plus drôle passé les quarante premières pages !

Et la couverture est moche, mais ça je m'en foutais un peu.

Rien à sauver, rien à espérer. J'ai fichu le bouquin à la poubelle (je refuse de revendre ça, quelqu'un pourrait le racheter).

Ah, misère…