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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 18 la Petite fille aux araignées

Keep Watching the Skies! nº 18, avril 1996

Anne Duguël : la Petite fille aux araignées

roman fantastique ~ chroniqué par Olivier de Marc

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Avec la Petite fille aux araignées, Anne Duguël signe certainement son livre le plus abouti à ce jour. Bien sûr, on y retrouve les thèmes récurrents de son œuvre : l'enfance et ses douleurs, la vieillesse, le passage du temps qui déglingue tout…

« Vous m'avez fait former des fantômes », pourrait s'écrier la petite Miquette qui se débat avec des cauchemars, comme Sade dans sa prison. Repliée sur elle-même, elle n'est plus qu'une forteresse vide en proie à sa mémoire. « Le cauchemar, c'était devenu ma vie […]. Dans mon coeur, il faisait un noir d'encre ». Pourquoi cette souffrance qui l'a entièrement colonisée ? Pour qu'elle assiste au pourrissement de sa mère pendant que Tante Madeleine rajeunit à vue d'oeil. Le projet fou du Dr Tu-Ahn désirant fabriquer une femme parfaite (résurgence du mythe du savant fou) tourne mal. Il ne reste plus alors à Miquette qu'à tenter de conjurer le sort pour arracher sa maman des mains de la mort.

Superbe méditation sur le temps et la mémoire, le livre d'Anne Duguël peut faire penser au Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, ce portrait qui porte seul les stigmates du temps alors que son modèle continue à jouir de sa beauté insolente. Comment ne pas évoquer également "L'Age de cendre", une nouvelle, entre autres, parue dans le Chien qui rit (Présence du fantastique/Denoël) ? Là aussi le temps brûlait sa proie de l'intérieur, grand sculpteur peut-être, mais de ruines… Miquette sortira-telle de son enfermement ? L'auteur, qui connaît bien les souffrances de l'enfance (cf. ses livres pour la jeunesse) lui donne un conseil précieux : « Si tu ne veux pas parler, Miquette, tu ne sortiras jamais d'ici ! » Espérons qu'elle soit entendue.

Pour conjurer le temps, Anne Duguël, elle, écrit des livres qui ne prendront pas une ride, comme la Petite fille aux araignées : « îlots de terre ferme au milieu du torrent de tout ce qui passe » (M. Proust).