Sauter la navigation

 
Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 12 Destination crépuscule 1

Keep Watching the Skies! nº 12, mai 1995

Gilles Dumay : Destination crépuscule 1

anthologie de Science-Fiction & de Fantastique ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

 Détail bibliographique dans la base de données exliibris.

Depuis trois ans, quelques jeunes turcs remuent le fandom français, emploient leurs forces à encourager la SF de langue française, avec des exigences de qualité inédites. De ce bouillonnement, j'ai retenu deux noms, Gilles Dumay et Michel Tondellier, que l'on retrouve dans le collectif éditorial de Destination crépuscule. Un collectif authentiquement collectif ? C'est du fantastique !

Mais qui expliquerait des bizarreries de forme de ce recueil, commises peut-être au nom de la démocratie, mais au dépens du lecteur, comme cette absence de sommaire et l'ordonnancement des nouvelles par ordre alphabétique d'auteur. Qui nous vaut un bon moment d'attente avant de tomber sur des textes bien fichus, et des pépites presque toutes en fin de volume — de quoi se décourager avant d'y arriver !

Dans bien des cas, il est difficile d'attribuer un genre aux textes présentés. Fantastique, insolite, SF poétique ? Deux d'entre eux ne satisfaisant pas à une exigence minimale de cohérence, la classification s'avère impossible. Ce sont des contes peut-être, mais ni des nouvelles, ni de la SF. Sur ce bref poème de Jodorowski, je ne saurais non plus me prononcer. Et que penser de cette allégorie psychanalytique qui réussit à être dix fois plus ennuyeuse qu'Imago, d'Alain Dartevelle ? (lequel avait ses moments, soyons honnêtes).

On trouvera par contre quelques contes fantastiques sur des trames très classiques (trois vœux, objet maudit, rêves agissant sur le réel, rêve dont on ne sort pas), qui sont, eux, professionnellement exécutés, mais n'ont pas su me faire vibrer.

En SF, nous trouvons notre compte de fantasmes plus ou moins sexuels, plus ou moins adolescents (que les éditeurs auraient dû écarter), un texte aux images brussoliennes (mais statique et mièvre à mon goût, goût peu ouvert il est vrai aux langueurs d'âme), et une nouvelle bien écrite et franchement homosexuelle d'André-François Ruaud, qui souffre de la trop grande évidence de son propos.

Le texte de Serge Lehman présente une idée admirable et tragique, celle d'une Utopie qui va être “gelée” pour fournir un exemple de perfection. C'est un cri retenu contre l'injustice du monde, et cela résonne en moi comme “Those who walk away from Omelas” de Le Guin. C'est aussi un peu statique, ajoute-t-il en grinçant des dents. Le défaut contraire s'observe dans le texte le plus SF du livre, celui de Joëlle Wintrebert, qui fournit en guise de bouquet final une note agréablement différente, sans atteindre l'excellent niveau que l'on attend de cet auteur.

Total ? Je ne voudrais pas paraître négatif — ce livre se lit, il est varié, il y a dans beaucoup de cas un effort méritoire d'originalité et d'écriture. Les éditeurs sont des gens énergiques, le volume 2 de leur anthologie va sortir incessamment, et je leur fais confiance pour améliorer progressivement le niveau de qualité de la chose — ce qui n'aurait pas été possible s'ils étaient partis de trop bas. Peut-être réussiront-ils là où Miniature a finalement échoué : créer un débouché pour les nouvelles de SF et de fantastique française qui soit ouvert à tous les nouveaux talents, sans que sa lecture demeure un acte de militantisme.