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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 12 Anti-glace

Keep Watching the Skies! nº 12, mai 1995

Stephen Baxter : Anti-glace

(Anti-ice)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Patrick Marcel

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La première application de l'anti-glace avait été militaire, et le monde se rappelle encore comment le siège de Sébastopol fut brisé par un obus d'anti-glace, et à quel prix.

Depuis, Traveler, l'homme qui a découvert cette prodigieuse substance dans les glaces du pôle (un corps mystérieux capable de se transformer en pure énergie quand il est porté à une température supérieure à zéro), Traveler, donc, a fait bénéficier l'Empire Britannique de sa science et de ses inventions. Albion domine le monde, grâce à la puissance de l'anti-glace. Mais les autres contrées européennes ne voient pas cette hégémonie d'un très bon œil. Et des patriotes français sont prêts à tout pour faire diminuer le stock mondial limité d'anti-glace. Même à saboter le paquebot terrestre de Traveler et de projeter l'inventeur avec le Phæton, son vaisseau volant, dans les déserts infinis de l'espace sidéral.

Les plus distraits l'auront remarqué, nous voici dans une uchronie victorienne, avec cet amusant volume signé d'un Stephen Baxter plus souvent trouvé dans la SF dite “hard” (ainsi Raft, que je n'ai pu finir, en dépit des louanges et des prix sous lequel croule le roman — des goûts et des couleurs…). Anti-glace est d'une autre trempe, et l'on sent d'abord que l'auteur a pris grand plaisir à son ingénieuse idée de départ.

Toutefois, si l'ensemble se laisse lire avec une certaine jubilation, on en ressort avec un léger regret. Il manque un ingrédient dans la recette — des personnages peut-être ? Le jeune narrateur est d'une naïveté de convention : son ignorance permet à l'auteur d'éclairer le lecteur. Hélas, certaines ficelles sont un peu grosses, et le lecteur se sent parfois fâché de voir que l'auteur le croit si niais, ou avance ses pions si lentement… La partie purement science-fictive est enjouée, astucieuse, et Baxter n'y tient pas son lecteur pour un sot. Il sait que s'il envoie ses personnages vers la Lune dans l'espoir d'y trouver une eau qui représente leur seule chance de survie, il va inquiéter, puisque l'inexistence d'eau sur la Lune est un fait avéré. Seulement, l'enrobage : la vie de tous les jours, la politique, les plans de conspirateurs transparents comme verre, narrés par un jeune homme encore plus diaphane, bref, la partie humaine, apparaît plus fabriquée : de petits automates qu'on remonte et qu'on pousse dans la direction requise par l'argument. La mécanique fonctionne comme on le lui demande, mais il lui manque ce “plus” de grâce qui est le naturel.

Bref, un roman sympathique qui fait passer un bon moment, mais qui ne décroche quand même que la mention : “Doit mieux faire”…