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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 9 le Problème de Turing – 2

Keep Watching the Skies! nº 9, octobre 1994

Harry Harrison & Marvin Minsky : le Problème de Turing

(the Turing option)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Éric Vial

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Résumé des opérations : un surdoué de l'électronique vient de mettre au point un vrai ordinateur intelligent. À la suite de quoi et de quelques coups de feu, il se retrouve dans un lit d'hôpital, avec une portion non négligeable de cervelle en moins, du hardware à la place, dix ans de souvenirs effacés, des militaires pour le protéger, le devoir de reparcourir au plus vite les dix ans manquants pour remettre au point le joujou dont il a été question plus haut, le devoir aussi d'aider à retrouver ceux qui l'ont à moitié massacré, le devoir enfin, de reconstruire plus ou moins sa personnalité.

Sachant qu'il y arrivera, le lecteur peut se dire qu'il est lui, mal barré. De fait, il a droit à de la psychologie de soap opera (comment les déceptions adolescentes du surdoué l'éloignent de tout rapport sexuel), à du polar tiré d'une série télévisée d'un niveau tout juste supérieur (par moment, ça flingue dans tous les coins et le reste du temps, on s'attend à ce que ça flingue, on se demande comment l'éviter et on enquête sur le flingage précédent). À un général de bande dessinée et à un tas de fiches sur le fonctionnement du cerveau, de l'intelligence artificielle, les quotidiens électroniques de l'avenir (sélectifs et infiniment recyclables), voire sur l'extermination écologique des insectes. On en passe et des meilleurs. Ilya même une très américaine renégociation de contrat, avec avocat. Et des remarques humoristico-culturelles, comme celle qui nous apprend que l'équivalent irlandais de "manana" ne présente pas le caractère d'urgence absolue de cette expression ibérique… Sans parler d'un robot qui parfait sa documentation sur les humains à coups de téléphone rose.

Bref, ce devrait être l'horreur…

Or, ce ne l'est pas. Harry Harrison agence les ficelles les plus visibles, les alterne, les entortille, passe d'un registre à l'autre avant que le lecteur ne se lasse. Partant de pièces et de morceaux qui ne sont pas de premier choix, il fait un patchwork qui oblige à tirer son chapeau. Après tout, c'est la définition même de la grande cuisine. Et puis, il y a Marvin Minsky, c'est-à-dire un spécialiste de l'intelligence artificielle. Reconnu. Honoré. Capable d'expliquer. Qui fourgue son cours entre les commentaires psychologiques ou para-policiers de son acolyte. Qui est sans doute, lui aussi, un vieux renard. Qui sait expliquer. Bref, on se retrouve avec un cours sur l'intelligence ^pas seulement artificielle, du reste —, la micro-chirurgie, etc., et on l'avale comme on avalerait Starsky et Hutch. Avec, en cour de route l'envie de savoir comment ça va se terminer, d'où une certaine difficulté à cesser la lecture — prévoir un ouiquinde calme, ou un long trajet en train — et au bout de deux bouquins, l'impression d'avoir appris quelque chose. Comme autrefois, chez Jules Verne, d'une certaine façon — je sais mais, que voulez-vous, je suis vieux…

Et pour ceux qui sont réfractaires de façon définitive et irrémédiable à tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à de la hard science, à la suite d'expériences malheureuses, parfois dans la même collection, peut-être le fait que l'auteur se paie, in fine, quelques gouvernements, à travers l'histoire du Rainbow Warrior, celle de Gladio, ou les crimes de la C.I.A. les intéressera-t-il. ?

Notes

››› Voir autre chronique du même livre dans KWS 9.