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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 9 la Peur géante

Keep Watching the Skies! nº 9, octobre 1994

Stefan Wul : la Peur géante

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Même géante, la peur de Stephan Wul tient — en ce qui, par les temps qui courent, finit par faire figure de roman nain — en cent cinquante pages, pas trop serrées : tout est dit, on passe d'un futur idyllique à une attaque par des aliens mystérieux, la vie telle que nous la connaissons est bouleversée, des actes héroïques et des déductions perspicaces sont accomplis et nous avons droit, en prime, à une histoire d'amour et à quelques rafales de termes techniques, que ce soit de mathématique, de pharmacie ou de zoologie marine — parfois, ils viennent comme des cheveux sur la soupe, mais jamais ils ne gâtent le goût de la lecture.

L'Afrance, un des états les plus prospères de la planète, en ce xxiie siècle, vit paisiblement de Paris à Bangui en passant par Alger et Dakar. Soudain, catastrophe : il n'y a plus de glaçons pour les consommations que l'on apprécie froides sous ces latitudes — l'eau est toujours aussi froide, mais elle ne congèle plus à la température habituelle et les calottes polaires sont menacées… Je vous laisse découvrir à votre guise les autres rebondissements.

L'Afrance où les diverses nationalités d'origine se sont fondues en un ensemble harmonieux — de culture française, cela va sans dire — était déjà un délire en 1957, c'est aujourd'hui devenu un délire suranné et toutefois bon enfant. Pas trace de l'amertume pro-kabile et anti-arabe qui teinte Odyssée sous contrôle, le livre fait des efforts d'anti-racisme. Le héros, bon, est quand même un Français pur sucre, mais son meilleur copain est noir et son patron révéré est maghrébin — on précise même de lui qu'en combinant les aimables défauts des différentes races de l'Afrance, qui se compensent mutuellement, il fait un excellent citoyen ! De façon plus subtile, un chauffeur de taxi qui nous parle pendant plusieurs pages avec un accent truffé d'élisions évoquant, je suppose [1] un accent parisien, révèle enfin de compte un nom typiquement arabe. Les seuls à faire les frais de préjugés gentiment méprisants, ce sont les Occitans, sous les traits en l'occurrence de Provençaux — dont les Français s'échinent à se persuader qu'ils constituent une entité disjointe de l'Occitanie ; passons !. Voir les pages 117-118.

Et l'attitude vis-à-vis des femmes ? Agréable surprise : s'il reste quelques traces de paternalisme (l'héroïne Kou-Sien, face à sa première catastrophe, remercie son mâle protecteur de lui avoir « décoch[é] sans prévenir une maîtresse gifle en pleine figure. ». « Excusez-moi, vous étiez au bord de la crise de nerfs ! » explique-t-il sympathiquement). Mais Kou-Sien se révèle intellectuellement plus capable que ses amis ingénieurs et joue un rôle capital dans le combat contre les agresseurs.

Encore une fois, on peut faire confiance à Wul pour nous faire passer un bon moment dont on n'ait pas trop à rougir…

Notes

[1] Vous savez que ma maîtrise du français est discutable…