[Collectif] : les Finalistes du prix Rosny aîné 2018
anthologie de Science-Fiction, 2018
- par ailleurs :
Pour les petits nouveaux qui pourraient pointer leur nez, rappelons que le prix Rosny aîné est décerné chaque année à un roman et une nouvelle écrits en français, d'après un vote des fans, organisé en deux étapes : un premier tour entièrement ouvert permet de choisir cinq finalistes par catégorie. La grande dispersion des votes signifie que les places sur ce podium se jouent à peu. Les heureux sélectionnés sont départagés par un vote des participants à la convention nationale de l'année.
Et en cette année 2018, il s'agissait de Nemo, la quarante-cinquième Convention nationale de SF, tenue à Amiens en juillet. Comme toujours, un recueil des nouvelles finalistes est mis à disposition des participants paresseux qui n'auraient pas tout lu pendant l'année 2017, ce qui est bien évidemment mon cas. Et ce recueil n'est pas destiné à la vente, vous ne le retrouverez pas (officiellement), mais je vous incite à vous procurer les textes que vous auriez envie de lire dans leurs sources originales, à savoir :
- Andréa Deslacs : "Comme un têtard dans l'eau" dans le nº 46 de l'anthologie périodique Aventures Oniriques et Compagnie chez Présences d'esprits
- Loïc Henry : "Vert céladon" dans le nº 49 de la revue Galaxies ;
- Grégoire Kenner : "Ophélia" dans le nº 45 de la revue Galaxies ;
- Laurence Suhner : "le Terminateur" dans le recueil homonyme à l'Atalante ;
- Pierre Brulhet : "Isaac" dans l'anthologie Dimension Révolte des machines chez Rivière blanche
Le contraste est frappant avec l'an dernier, ou l'année précédente. À grands traits : les auteurs sont moins expérimentés, les textes plus courts, et se concentrent sur une SF beaucoup moins teintée de Fantastique ou de Fantasy. Autre détail, l'absence cette année de tout texte paru dans Bifrost, alors que Galaxies, que j'aurais tendance à considérer comme une revue moins productive en textes de premier rang, est représentée par deux nouvelles.(1) "Ophélia" de Grégoire Kenner se distingue par l'emploi d'un langage hyperpoétique — de façon strictement subordonnée à la logique de l'intrigue, m'empressé-je d'ajouter. Toutefois, son argument m'a semblé trop ténu pour emporter la conviction. En revanche, Loïc Henry(2) a créé dans "Vert céladon" un univers complexe dans lequel les retournements se succèdent en peu de pages : Santxo, juvénile délégué du Vatican expert en arts de combat, arrive sur la planète Balafenn, où doit se produire une “occurrence”, événement d'importance mystique. Et c'est la première fois que cela ne se produit pas sur la Terre. Je vous laisse découvrir la suite, sur ce monde où les émotions correspondent à des couleurs. Une faiblesse : l'usage rudimentaire, sans examen critique, qui est fait de la tradition et du décorum catholiques.
Il est de pires textes. "Comme un têtard dans l'eau" d'Andréa Deslacs, s'il se tient globalement dans son pessimisme sans concessions concernant le futur de notre environnement, n'est guère original dans sa confrontation entre l'image d'eux-mêmes que donnent les geeks et leur aspect dans la vie réelle. Pierre Brulhet, placé avec "Isaac" en fin de recueil au mépris de l'ordre alphabétique (adopté par ailleurs), n'est guère meilleur : sa scène de fraternisation dans une guerre entre humains et robots n'échappe pas aux clichés du genre. Les deux se lisent agréablement, cela dit.
Reste "le Terminateur" de Laurence Suhner, un texte hors normes rédigé dans la foulée des spectaculaires découvertes de l'expérience TRAPPIST, avec l'aide de certains des astronomes impliqués, et publié en version anglaise dans Nature. Vous vous souviendrez que des chercheurs d'exoplanètes en ont découvert tout un chapelet en orbite autour d'une naine rouge : le peu de lumière produit par leur étoile place la zone habitable, celle de l'eau liquide en surface, à très grande proximité du foyer. Les planètes ont donc des périodicités très courtes (des années de quelques jours), sont proches, se voient très bien l'une de l'autre, et permettent un voyage interplanétaire bien plus aisé que dans notre système. Du pain bénit pour l'auteur de SF, et l'occasion de se délecter d'un rare et trop bref exemple de hard SF française… à ceci près que l'autrice est suisse ! Et le buzz déjà produit par son texte a mené à une victoire sans surprise, mais largement méritée.(3)
- Le rédacteur en chef de Galaxies organisait la convention cette année, mais cela n'a pas d'effet direct sur le processus de vote de premier tour du prix Rosny aîné.↑
- Ne pas confondre avec Léo Henry, finaliste en catégorie "Romans".↑
- Ne serait-ce pas plutôt "Vert céladon" de Loïc Henry qui a obtenu le prix en 2018 ? — Note de Quarante-Deux.↑
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