KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Sylvie Lainé : Marouflages

nouvelles de Science-Fiction, 2009

chronique par Georges Bormand, 2009

par ailleurs :

Un recueil de trois nouvelles dont la première, "les Yeux d'Elsa", parue en 2005 dans Galaxies, nº 37, prix Rosny aîné 2006, Grand prix de l'Imaginaire 2007, prix du Lundi 2006, a été revue et corrigée pour cette édition. Avec la seconde, "le Prix du billet", parue en 2007, et la troisième, encore inédite, "Fidèle à ton pas balancé", elle décline le problème majeur de toute la littérature et de la SF en particulier, celui de l'incommunicabilité entre deux êtres différents. Que les personnages soient un humain et une dauphine, un homme et une femme, ou même, si on tient compte des troisièmes personnages, des témoins qui sont présents dans chaque nouvelle, deux hommes ou deux femmes, nous avons trois histoires où le narrateur s'aperçoit à quel point il était loin de comprendre l'autre, alors même qu'il l'aimait. Qu'on ne vienne pas me dire que ce qu'éprouvent ou ont éprouvé les narrateurs n'est pas de l'amour ; c'en est, et il n'en existe pas d'autre forme — même si on peut rencontrer des amoureux qui croient s'être plus profondément compris que les couples de ces trois histoires, ce que ressent Charlie pour Elsa, ce qu'a cru ressentir la narratrice du "Prix du billet" pour Peter, celui du narrateur de "Fidèle à ton pas balancé" pour Lou, ce sont des formes d'amour, cette recherche de l'autre qu'on n'atteindra jamais, cet espoir d'un impossible partage complet.

Trois tranches de vie, dont l'une pourrait presque se dérouler aujourd'hui, à un détail technique près, dont les deux autres font appel à des éventualités de progrès scientifiques déjà évoquées ici ou là dans les romans de SF, la communication avec les dauphins et leur utilisation comme ouvriers pour la construction en mer dans "les Yeux d'Elsa", la captation et l'enregistrement des impressions et de la personnalité dans "Fidèle à ton pas balancé" ; et trois réflexions des narrateurs sur les limites de leur capacité à comprendre l'autre, réflexions pleinement conscientes dans les deux premiers récits, plus ambiguë dans le troisième (le narrateur ne s'imagine-t-il pas avoir atteint par l'imitation cette compréhension qui lui a manqué dans la relation, on peut se poser la question ?). Trois merveilles d'étude de sensibilités, à ne pas manquer, sous peine d'être, comme dirait Molière, un maroufle.

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