Laurent Genefort : la Troisième lune
roman de Science-Fiction, 1994
Avec Ayerdhal, Canal et Dartevelle, Laurent Genefort fait partie des jeunes talents de la Science-Fiction française. Celui qui s'inscrit le mieux dans la tradition. Francis Carsac y reconnaîtrait volontiers une filiation. Stefan Wul ne la renierait pas non plus. Genefort affirme une volonté de conjuguer science et fiction avec une vivacité que lui envieraient des auteurs anglo-saxons. Il vient de recevoir le Grand Prix de l'Imaginaire pour Arago. S'il est le plus épais de tous ses romans, ce n'est pas nécessairement le meilleur. Car les défauts mineurs que je signalais en 1989, à propos du Bagne des ténèbres, encombrent encore l'œuvre de Genefort.
Dans la Troisième lune, qui vient de paraître, on retrouve cette précision jubilatoire du détail qui confère à ses descriptions une réelle puissance évocatrice. Couleurs, lumières des paysages et des villes, ses évocations de Mars, où se déroule l'action, suggèrent avec nuances une autre civilisation, des espoirs et des conflits oubliés, des religions mortes. Son écriture s'est affirmée. Elle ne s'encombre pas d'adjectifs. Droit au but quand bise vente, elle se plie à l'action qui est vive et bien menée. Ses personnages s'imposent à l'esprit, acquièrent de la chair à mesure qu'ils interviennent. Bref, Genefort a tout pour plaire, sauf qu'il appartient encore à la seconde sorte d'écrivains décrite par Schopenhauer, ceux qui écrivent pour écrire, les premiers le faisant pour dire quelque chose.
L'histoire est ingénieuse : un tueur interplanétaire dépose un de ses clones morts après ses assassinats stipendiés. Or, celui-ci vient à survivre inexplicablement. Une fois lu d'une traite, la Troisième lune laisse une foule d'interrogations en suspens. Elles vaudraient un autre roman qui serait tout aussi passionnant, où l'on apprendrait les enjeux économiques et sociologiques de ce meurtre et les motivations psychologiques de ceux qu'il implique. Sans regretter l'absence de certaines scènes d'actions superflues. Peut-être parce qu'il a été écrit à “Mac” forcé, ce récit rate son virage spéculatif. Certes, il s'inscrit dans un cycle occulte dont se réclame l'auteur. Mais nul n'a lu tous les livres. Enfin, lisez celui-là, c'est beau un auteur qui lutte pour s'affirmer.