Michael P. Kube-McDowell : Projet Diaspora
(the Quiet pools, 1990)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Lorsqu'un écrivain inconnu répond au nom improbable de Michael P. Kube-McDowell, le lecteur anonyme craint la supercherie. À la vue de sa photo au dos du volume, il s'aperçoit que l'auteur en question manque de retenue pondérale, porte visiblement une barbe postiche et semble bouffi d'autosatisfaction ; son réflexe l'invite à rejeter son premier roman, Projet Diaspora. Pourtant, s'il s'essaye à la lecture des premières pages, ses préventions disparaîtront. Notre gros Kube a visiblement lu beaucoup de Science-Fiction, il a du sérieux, du métier et creuse une idée qui, sans être unique, ne manque pas d'originalité. Au premier siècle du troisième millénaire, l'Humanité conçoit un vaste projet : embarquer vers Tau Ceti des milliers de colons sur un vaisseau géant, le Memphis. Pas nécessairement les meilleurs, mais des Hommes choisis. Sur quels critères ? Là est la question.
Le départ prochain du vaisseau spatial enflamme les passions de ceux qui s'activent pour la mission comme des opposants. Parmi les manifestants, il y a les raisonneurs qui haïssent les futurs voyageurs parce qu'ils partent, et les dépités qui les détestent parce qu'ils se sentent abandonnés. Comme disent les commentateurs sportifs : « La pression monte. ». La résistance s'organise. Un certain Jérémie, porte-parole du mouvement Notre Terre, cherche à inquiéter l'opinion à travers les médias quand il ne se livre pas à des tentatives de destruction du vaisseau, voire des colons.
Sujet parfaitement mis en place, personnages taillés d'après un manuel de psychologie, style efficace, rien ne manque pour que Projet Diaspora fasse un excellent suspense en même temps qu'un excellent livre de Science-Fiction. Je ne me démentirai pas en regrettant que les voies subtiles de l'intuition soient parfois dégagées au rouleau compresseur. Les hésitations amoureuses d'un héros puisent à Nous trois, le magazine sentimental du siècle prochain. Et surtout, les hypothèses sur la motivation principale des colons inquiètent mon rationalisme : le Créateur aurait un plan que l'Homme suit depuis des milliards d'années. La Biologie serait la Destinée. Tout Homme ne dépendrait que de ses chromosomes, et le choix ne constituerait qu'un bruit parasite dans le tableau des génomes. L'homo sapiens serait-il surfait ? Michael P. Kube-McDowell hésite à le confirmer. Il est prêt à se rallier au verdict du Créateur en cas de procès.