Michael Coney : la Grande course de chars à voiles (le Chant de la Terre – 1)
(Song of Earth – 1: Cat Karina, 1982)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Michael G. Coney affûte constamment son inspiration pour ouvrir de nouvelles voies littéraires à la Science-Fiction. Malgré cela, son nom n'apparaît pas souvent dans la liste des mieux vendus culturels. Conclusion provisoire : l'amateur a le goût du confort pépère pour rêvasser. Et pourtant, de Syzygie à Charisme jusqu'à cette Grande course de chars à voiles, quel art de la transformation, quelle singulière volonté de se dépasser.
Ce dernier roman appartient à une branche particulière de la SF, que je nommerais l'ethnologie spéculative, que les manuels de classement thématique ne recensent heureusement pas encore. Son initiateur fut Gene Wolfe avec la Cinquième tête de Cerbère. Le premier volume de la tétralogie de Coney, nommée le Chant de la Terre, s'annonce d'un style moins introspectif, d'une plume plus épique, mais d'une égale sensibilité.
Dans un avenir si futur qu'il est difficile de l'aborder autrement que par la légende, le problème principal des habitants de notre planète est d'ordre racial. Néoracial, veuillé-je dire, puisqu'un certain Mordecai, plus habile que le docteur Moreau, a créé jadis des hybrides d'hommes en les croisant avec des ours, des crocodiles, des singes, etc. Les vrais Humains cherchent à conserver leur suprématie, qui n'est plus tellement évidente. Surtout dans le domaine du transport par char à voiles sur rail de bois où les Felinos, mi-chat mi-homo sapiens, détiennent l'art de franchir les pentes abruptes.
Nous sommes juste au seuil de la révolution que l'étrange Didon, stratège inspirée du destin, fomente pythie à pythie. Elle a choisi Karina (Cat) pour héroïne de la réconciliation des races. Je vous laisse le soin de la découvrir en lisant Coney. Car comment dire en quelques lignes la sensualité que sa présence exaspère chez le mâle hybride ou non ? Cruelles délices.
Dire, par contre, le subtil génie de Coney à manipuler les êtres qu'il a inventés, à décrire leur société me paraît essentiel. Saveur des détails ethniques, des composantes psychologiques, vigueur dans l'exposé des conflits et des alliances qui opposent ou unissent les différentes espèces, rigueur dans la description minutieuse des artefacts de cette civilisation post-technologique. Et de surcroît, merveilleuse inventivité du créateur de monstres humains. Car il ne suffit pas de mettre en présence dans une cornue biologique les gènes d'espèces différentes pour leur donner la vie. Encore faut-il savoir tirer de la manipulation génétique une stratégie du comportement qui n'emprunte rien au folklore de Nos amis les bêtes.
Amateurs, lisez Coney, et vous saurez étirer les griffes de votre imagination comme un chat.