Chroniques de Philippe Curval

Françoise d'Eaubonne : les Sept fils de l'étoile

roman de Science-Fiction, 1962

chronique par Philippe Curval, 1962

par ailleurs :

Pour son premier roman de Science-Fiction, Françoise d'Eaubonne, auteur prolifique, a choisi de renouer avec la tradition antique et de nous conter les pérégrinations d'un héros, ou plutôt d'une héroïne, à travers une série de planètes aux paysages et aux mœurs variés. C'est une solution qui apparaît comme aisée au premier regard, mais qui recèle bien des difficultés pour un auteur dénué d'imagination.

Il faut le dire, les Sept fils de l'étoile est plutôt une réussite sur le plan de l'invention ; Françoise d'Eaubonne a laissé délibérément derrière elle tout un passé de Science-Fiction qui va des Aventuriers du ciel de R.M. de Nizerolles aux navrants romans de Richard-Bessière, où le lecteur — comme dirait Jules Verne — peut entrer en contact avec les artifices de la vulgarisation scientifique et dont les héros sont des projections de Camille Flammarion.

Pour introduire ces univers variés avec un minimum de vraisemblance, Françoise d'Eaubonne a imaginé un système solaire parallèle de l'autre côté d'Antarès, qui est une parfaite réplique du nôtre, à une planète près. Tellur visitera ce système solaire II. Tellur, c'est la première femme pilote d'astronef ; Tellur, c'est la femme d'action, la femme moderne (au sens actuel du terme), libérée des contingences du mariage, de la famille et des traditions de servitude ancestrale. C'est un être qui a vécu les douloureuses suites d'une guerre atomique, une ex-petite sauvage — mi-Liane fille de la brousse, mi Diane-détective —, qui possède la détermination d'une vierge farouche et l'intelligence de madame Curie. Pourvue de ces qualités propres à l'exploration interplanétaire, Tellur rencontrera sur Ilmar un vieux sage qui lui proposera un étrange marché : l'avenir de la Terre est compromis, elle se meurt par la faute de ses habitants et c'est en notre pilote que reposent les possibilités d'un rachat. Le destin de notre planète est inscrit dans les astres et son évolution suit les constantes morales et physiques des signes du Zodiaque, mais à l'envers. Ainsi les ancêtres ilmariens, parvenus aux sommets de la civilisation, surent que la décadence allait les entraîner vers le néant. Ils implantèrent alors des mutants sur Terre I qui entrait dans le signe des Gémeaux. Puis ces êtres, les futurs Hommes, subirent la loi du Taureau, du Bélier, des Poissons enfin qui amenèrent l'avènement du Christ.

Tellur devra, pour corriger les erreurs des Humains et préserver leur survie, avoir un enfant sur chacune des planètes du Système solaire II correspondant aux signes du Zodiaque sous lesquels l'évolution de Terre I va passer.

Cela sert donc de base aux multiples avatars de notre héroïne sur Uranus II, maître du Verseau, Saturne, régulateur du Capricorne, etc.

Nous assisterons à une suite d'amours brèves et tumultueuses auxquelles Tellur ne s'attendait pas puisqu'elle avait choisi de demeurer pure. Petit à petit, elle découvrira des joies et des affres insoupçonnées au contact des humanoïdes résidant sur ces planètes parallèles. La pureté d'un mutant au corps d'Adonis saura l'émouvoir, puis elle sera saoulée, violée et mariée à un Saturnien puritain, ensuite elle vivra d'intellectuelles amours avec un Jupitérien, une passion bestiale la liera à un Plutonien, enfin elle sera séduite par un poète Vénusien, jusqu'à la chute qui, si elle n'est pas celle de notre mère Ève, est assez belle.

C'est dans la description de ces civilisations découvertes par Tellur que Françoise d'Eaubonne place le meilleur de son roman. En effet, son style aisé et brillant, teinté d'humour, lui permet de suggérer avec art, d'esquisser à traits rapides la géographie d'une planète, l'historique de son peuple, ses mœurs, la morphologie et la mentalité de ses habitants.

C'est dans la croyance en cette pseudo-réalité que la Science-Fiction trouve ses meilleurs atouts et l'on peut dire que les Sept fils de l'étoile sait nous plonger dans le monde scintillant du rêve et de l'imaginaire.

Ce n'est donc pas dans la forme que je ferais des réserves au sujet de ce roman, mais plutôt sur le fond dont la portée, je dois l'avouer, m'échappe totalement. Peut-être suis-je allergique aux tentatives de justification de l'astrologie, même si celles-ci veulent puiser aux sources d'une métaphysique planétaire dont il est vrai que personne ne peut la réfuter pas plus que la prouver. Françoise d'Eaubonne utilise cependant tout un arsenal mystérieux pour nous faire croire à son histoire : le vieux mage affreux sur Ilmar, le voyage spatio-temporel qui permet à Tellur de connaître l'avenir de ses enfants et la signification de leur ascendance zodiacale dans l'évolution de la Terre, etc. Mais tout cela nous laisse incrédules et nous préférons, sans chercher à y trouver une signification profonde, nous laisser bercer par l'agréable récit d'aventures plus prosaïques.