KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Steeve Hourdé : Zone : chroniques d'un dernier jour

Steeve Hourdé : Building

romans de Science-Fiction d'horreur, 2014 & 2015

chronique par Isabelle Arnaud, 2017

par ailleurs :

Ces dernières années, avec l'arrivée du numérique, on a vu fleurir de plus en plus d'auteurs auto-édités venus saturer le marché de leur prose. Malheureusement, ces dernières sont rarement à l'aune du talent autoproclamé de ces nouveaux auteurs qui font parfois du mal à une profession aussi difficile qu'ancienne.

Néanmoins, de temps en temps, on peut trouver sur la Toile un livre, ou un auteur, que l'on dévore et dont la littérature de genre aurait du mal à trouver un éditeur. C'est d'un auteur de cette nature que je vais parler. Un romancier spécialisé dans la littérature de monstres, thématique que j'adore, mais qui, en dehors des novelisations de films ou de jeux vidéo, se fait rare.

Steeve Hourdé a écrit, avant les ouvrages dont nous parlons ici, un roman (Résilience : histoire d'un survivant) et des nouvelles ("l'Histoire d'Asuka" & "les Mémoires effacées") revenant sur l'univers de ce dernier, mettant en avant un homme projeté dans une autre dimension et essayant de survivre à l'environnement hostile qui l'entoure en attendant de potentiels secours. La série mêle avec talent une Terre archaïque, une anomalie spatio-temporelle et un scientifique du futur à une formidable trouvaille évolutionniste. Elle emprunte à la Science-Fiction et à la tradition de Robinson Crusoe, et se laisse lire avec grand plaisir, d'autant que quelques monstres se baladent aussi dans les lieux où le héros essaie de refaire sa vie.

Mais c'est surtout le cycle Zone qui ravira les amateurs de monstres. Ce dernier est pour l'instant constitué d'un long premier tome Zone : chroniques d'un dernier jour, en deux parties en version numérique, et d'une suite haletante, Building.

Le scénario de base est simple : une première occurrence a eu lieu dans un lieu isolé en Angleterre, où un monstre massacre une famille avant d'être tué par un jeune policier. Une nouvelle occurrence apparaît dans un deuxième lieu dix-huit mois plus tard. Le policier, en charge d'une nouvelle brigade anti-monstres, réussit à y mettre fin, mais le roman s'ouvre sur une troisième occurrence, cette fois-ci dans une zone industrielle isolée dans laquelle travaillent plus de deux cents personnes.

Le récit va alors suivre certains des survivants et le responsable de l'armée, l'ancien policier, qui boucle le lieu et interdit à quiconque d'y entrer et d'en sortir. Bien sûr, les malheureux employés, prisonniers de leur lieu de travail, découvrent bien vite que non seulement, ils ne sont pas seuls, mais que les créatures les prenant en chasse sont redoutables et mortellement efficientes. Ces dernières ressemblent à des sortes d'araignées géantes à six pattes pointues avec une sorte de tronc portant deux appendices tranchants. Cuirassées, rapides et coupantes, ces dernières font rapidement un massacre. Par surcroît, un élément encore plus horrifique vient compléter le premier, mettant chacun dans une situation plus que cauchemardesque. La liste des survivants que nous suivons se réduit rapidement à une simple poignée. Comme dans toutes histoires d'horreur, il vaut mieux ne pas trop s'attacher aux protagonistes dont la durée de vie est parfois limitée. Il est néanmoins difficile de ne pas trouver tel ou tel individu sympathique et de retenir un pincement de cœur devant son destin tragique.

À cette histoire survivaliste, s'ajoute une étude sociologique des comportements humains en période de stress rendant les situations encore plus incertaines. Et le chef des troupes encadrant la zone industrielle est un personnage particulièrement intéressant dont la trajectoire dévoilée en flash-back permet de mieux appréhender les actions parfois étonnantes.

L'auteur écrit avec fluidité, et il est franchement difficile de quitter son livre avant d'en découvrir les tenants et aboutissants. Zone : chroniques d'un dernier jour est passionnant de bout en bout, et à cette survie éperdue des individus s'ajoute une ambiance crépusculaire et mélancolique dans laquelle la survie de l'humanité se joue à travers une sorte de jeu d'échecs grandeur réelle dont chaque nouveau coup, à savoir les occurrences, peut mener les Terriens à l'éradication.

La suite est tout aussi palpitante, bien que l'effet de surprise ait cessé d'agir. Néanmoins, l'auteur se renouvelle et offre une nouvelle galerie de monstres, tout aussi létaux. L'action se passe cette fois à Paris, dans une tour de la Défense. Cette dernière, dans laquelle se retrouve l'ex-policier, est prise d'assaut par des monstres, obligeant les survivants à monter de plus en plus haut pour échapper aux créatures sans pitié. Dès le départ, c'est un petit groupe de survivants que l'on suit. Et ces derniers n'ont pas la possibilité de se cacher ou de se replier en sécurité, car les monstres mettent systématiquement à sac les étages parcourus. C'est donc une course contre la montre à travers quarante-huit étages qui se joue, au long de laquelle chacun espère trouver une solution pour éviter d'être tué.

Qui dit groupe humain réduit composé d'individus différents en état de stress, dit impact des comportements de ces derniers. Certes, les personnages sont parfois caricaturaux, mais on s'attache à eux, ce qui n'est jamais une bonne idée dans une histoire survivaliste. Et si la folie, l'altruisme, la trahison et le courage sont exacerbés, les péripéties que connaissent les protagonistes sont passionnantes à découvrir. Le final imposant laisse augurer un prochain tome dans lequel l'action sera encore fort présente et la lutte pour la sauvegarde de l'humanité atteindra de nouveaux sommets.

Building est, curieusement, moins crépusculaire et sombre que l'opus précédent. Il gagne néanmoins une ouverture sur le monde et apporte des révélations glaçantes sur ces monstres étranges qui surgissent ponctuellement pour ravager le monde humain.

Cette série est hautement recommandable pour les lecteurs qui aiment ce type de littérature. Non seulement ils ne seront pas déçus, mais passeront de très bons moments en compagnie de ces gens qui nous ressemblent confrontés à l'indicible.

Le style de l'auteur est très fluide et ses idées mises en application avec originalité. Vous pouvez trouver beaucoup d'informations et vous procurer une version papier ou numérique de ses œuvres sur le site de l'écrivain.

Isabelle Arnaud → Keep Watching the Skies!, nº 79, janvier 2017

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