KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Pierre Gévart : Galaxie, nº 38, novembre 2015, spécial Nathalie Henneberg

revue de Science-Fiction

chronique par Pascal J. Thomas, 2016

par ailleurs :

Je lis peu, un comble pour un critique, et je lis beaucoup moins les revues de SF qu'à une époque. S'il m'arrive de feuilleter Bifrost, qui m'amuse toujours, j'ouvre bien plus rarement Galaxies, la nouvelle série s'entend, qui a fusionné avec Mercury, le fanzine ressuscité de Jean-Pierre Fontana. Confié à ce dernier, ce numéro se consacre aux femmes dans la SF, et ne propose aucune traduction de l'anglais : ma curiosité était piquée.

Julie Subirana est une autrice que je ne connaissais pas (elle a déjà publié une nouvelle dans Galaxies, et un roman), et qui se lit fort bien. "la Clef" commence comme du space opera, puis rejoint la thématique hallucinatoire de la SF française, version pharma ; ce défaut d'originalité n'empêche pas d'espérer d'autres bons textes de sa plume. Je n'en dirais pas autant de Giuliana Acanfora, responsable de "Vertige", le seul texte traduit (de l'italien). C'est une nouvelle à chute, fondée sur un brutal changement de perspective du personnage principal. Mais on a vu beaucoup de cette sorte de nouvelles en SF, et la chute est prévisible.

Les affaires se corsent avec "le Karma du chat" de Sylvie Lainé. Texte humoristique, on pourrait dire sheckleyen, comme elle en a déjà produit, il brocarde les convictions védiques d'un couple de notre futur proche qui décide de priver d'accès au réseau tous ses objets connectés, pour qu'ils « puisse[nt] trouver leur propre deva ». Dans un monde où la vie quotidienne est confiée à de telles machines, le chaos s'en suit. On sent que l'auteur comprend le fonctionnement des objets qu'elle imagine, ce qui confère à sa nouvelle un indéniable avantage. Celui qu'on attend de la bonne SF.

Jeanne-A. Debats se place dans un autre registre avec "Crépuscule". Son humour est sardonique et fait penser à James Tiptree, Jr. — ou devrais-je dire Racoona Sheldon ? Un complot est révélé, il touche à la descendance de l'humanité, mais ce qui est mis en scène est l'indifférence des médecins pour la souffrance qu'ils infligent à leurs patients, surtout quand ce sont des patientes. Pour moi, le texte le plus marquant du numéro.

La rubrique le Service des Affaires classées présente des rééditions, ici de Suzanne Malaval, qui avait publié dans Fiction dans les années 60. Si ses textes, brefs, sont compétents, ils ne m'ont pas convaincu.

Un gros tiers du numéro est consacré à un intéressant dossier sur Nathalie Henneberg : biographie, bibliographie, analyse d'œuvres… L'appareil critique se réfère souvent à l'essai de Charles Moreau paru dans Lunatique (n° 70 en 2006), qui avait en particulier montré que toute l'œuvre signée des deux noms de Charles et Nathalie Henneberg était due à cette dernière. On apprend aussi que Henneberg avait écrit des romans de guerre, nourris par sa vie en Syrie à l'époque du mandat français. Et on a droit à un court roman inédit, la deuxième partie de Kheroub des étoiles. J'avais lu la Plaie, de Henneberg, quand j'étais jeune fan il y a plus de quarante ans. Et j'avais détesté. Je me disais qu'avec le temps et la maturation du goût, je pourrais découvrir les qualités que bien des gens reconnaissent à la Fantasy spatiale de Henneberg. Je dois avouer que ce n'est toujours pas le cas ; je ne peux pas surmonter cette barrière touffue d'adjectifs accumulés et de références médiévales. D'autres que moi, sans doute, apprécieront.

La revue est complétée par une rubrique critique que je trouve hétéroclite, mais attrayante par son excentricité : un article sur un film déjà ancien sur la papesse Jeanne, un autre sur une exposition d'une plasticienne, et une méga-rubrique cinéma écrite par Jean-Pierre Andrevon, dont je ne sais comment il fait pour visionner autant de films — chapeau bas. Mais pas de chroniques de livre dans ce numéro.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 78, août 2016

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