KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Richard Wolfram [Roland C. Wagner] : le Cycle du fandom

une authentique saga… wagnérienne, 1982-1987

chronique par Éric Vial, 2016

par ailleurs :

En bonne morale, on ne devrait pas chroniquer un volume dans lequel on a écrit. Mais on me pardonnera six pages de souvenirs en fin de volume, demandées par l'éditeur et coincées entre celles de Francis Saint-Martin, Patrice Verry, Michel Pagel, Jean-Claude Dunyach et Philippe Caille. L'important n'est pas là.

En bonne morale, on ne devrait pas chroniquer un volume dans lequel on est un des personnages. Là, c'est plus sérieux. Mais je ne l'ai pas fait exprès. C'était au temps où je traînais dans le fandom et les conventions. Et dans les nouvelles de ce “cycle” (le petit vélo est pratiquement d'origine) parues d'abord dans le fanzine Vopaliec SF pour les neuf premières, éditées et réédités ensuite en micro-volumes par un autre fanéditeur, le Francis plus haut cité, et maintenant reprises en un volume, Roland mêlait joyeusement à Jouanne, Pagel, Dunyach, lui-même ou, last but not least, Joëlle Wintrebert, des “fans” de l'époque, nommés ou non, parfois innommables, dont pas mal ont disparu de la circulation à des degrés divers et en laissant ainsi derrière eux différents degrés de soulagement. On trouvera une galerie de portraits dessinés (par Saint-Martin) aux pages 281-283 et chacun jugera de qui a été le plus esquinté. Mais mieux vaut lire ce qui précède. Même sans connaître tout le monde. Peut-être même au premier degré.

Point de départ du feuilleton, une guerre nucléaire qui a massacré l'essentiel de l'humanité. La lecture des romans post-cataclysmiques protégeant des radiations, les amateurs de Science-Fiction s'en sont bien tirés. Et représentent la principale puissance subsistante. Recopier les quatrièmes de couverture pour ses critiques n'assure qu'une protection partielle, d'où la nécessité de changer régulièrement de corps. Et des milliards de cadavres fournissent l'énergie nécessaire à la production de publications d'amateur, qui n'ont jamais connu de tirages pareils. Quelques poids-lourds du milieu aux allures de superhéros marvelliens tentent de régner sur ce petit monde, Wagner lui-même et Super-Jouanne (pour qui la Kronenbourg, ou “Kro” joue le rôle des épinards pour Popeye) côté “bons” (quoique…) et évidemment Joëlle Wintrebert, unanimement qualifiée de Miss Univers depuis qu'à la tête de l'anthologie de ce titre alors publiée par J'ai lu, face à un Michel Pagel devenu incapable de se déplacer autrement qu'en fauteuil gravitationnel, à “Brutussolo”, ou à Jean-Claude Dunyach devenu sableur de nage ou ville vivante et obsédé par l'idée de forcer tout le monde et chacun à retravailler ses textes jusqu'à la perfection ou au trépas. Et à côté de ces vedettes, nous sommes nombreux à jouer les utilités, avec des sorts variables, des mises en boîte plus supportables pour les uns que pour les autres, etc. Certaines dents, à l'époque, grincèrent. D'autres ne surent peut-être jamais. Il n'y a pas tant de gens que ça en état de tout décrypter — sans parler des fausses pistes. Les souvenirs déjà cités donnent parfois quelques éclairages. Mais il semble qu'au-delà de la réédition archéologique et de la grande remémoration d'anciens combattants ouvrant la boîte à chagrins des souvenirs de leur jeunesse enfuie, cet improbable feuilleton puisse encore attirer l'attention. Parce que c'était Roland C. Wagner, avec son humour à quinze degrés différents, calembours garantis épouvantables y compris, mais aussi avec sa capacité d'autodérision (via pseudonymes multiples) et sa passion pour la littérature populaire. Parce qu'on peut lire sans tout décoder et constater que tout ceci déconne joyeusement. Parce que le n'importe quoi assumé et conscient est réjouissant. Parce que c'est comme ça.

Bien entendu, une âme innocente, de préférence trop jeune pour avoir connu l'époque de rédaction, serait plus adéquate que moi pour juger de la réception du texte. J'espère que notre vénéré rédacteurenchef(1) trouvera quelqu'un ayant ce profil. En attendant, ne vous laissez pas prendre par le n'importe quoi de la couverture crayonnée multicolore qui annonce le pire : elle est parfaitement adéquate au contenu ! Et c'est tant mieux.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 77, février 2016


  1. Lui-même figurant de cette superproduction. —NdlR.

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