KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Anthony Vallat : Utopie et raison dans ‘le Cycle de Fondation’ d'Isaac Asimov

essai, 2014

chronique par Pascal J. Thomas, 2015

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Quand on pense à Isaac Asimov, on pense au romancier, on pense peut-être au vulgarisateur, à l'infatigable polygraphe, et à l'homme dont le nom est devenu une marque synonyme de Science-Fiction (dans le titre de la revue qui porte toujours son patronyme). On ne le voit guère comme un utopiste, et Anthony Vallat a entrepris de relire dans cette optique tout le Cycle de Fondation — y compris les romans tardifs, y compris les romans du Cycle des Robots qui servent de prélude à Fondation. On notera avec intérêt que l'idée de cette étude est née lors des Journées Sciences et Fictions de Peyresq en 2010 (organisées par Ugo Bellagamba, Eric Picholle et Daniel Tron, avec l'assistance indispensable d'Anouk Arnal), et que c'est la croissance du texte qui l'a obligé à devenir ouvrage indépendant. Il reste de cette genèse une préface chaleureuse d'Ugo Bellagamba.

La majeure partie du texte consiste en un résumé-analyse du corpus sélectionné : par ordre de composition, les récits des années 1940 qui composent le cycle initial de Fondation (présenté sous forme de trilogie à partir de sa première édition en volumes), puis de 1982 à 1992 Fondation foudroyée, les Robots de l'Aube, les Robots et l'Empire, Terre et Fondation, Prélude à Fondation et l'Aube de Fondation. L'idée directrice est que les révélations successives sur le rôle caché de différents protagonistes (humains et robots) pour orienter l'évolution de la société humaine vers l'optimum correspondent à des ajustements successifs pour arriver à une utopie réalisable — ajustements qui portent sur ce qu'il est raisonnable d'attendre de la meilleure société possible, mais aussi ajustements de l'espèce humaine elle-même, qui doit acquérir des pouvoirs mentaux supplémentaires et bénéficier de l'aide des robots (ou être soumise à leur férule clandestine, comme on voudra).

Comme le souligne la préface d'Ugo Bellagamba, Vallat a infusé son essai d'une bonne dose de passion, d'affectivité pour Asimov et pour l'idée d'Utopie. La psychohistoire de Hari Seldon, notion essentielle au début du Cycle de Fondation, est expliquée comme une version “sciences dures”, mathématisée, de la sociologie — il est vrai que la psychohistoire a peu à voir avec l'histoire, et, dira-t-on, Vallat a une formation de sociologue. Ce serait confondre cause et effet : dans les Remerciements en fin d'ouvrage, il explique qu'il a entrepris des études en sociologie à cause de l'impression qu'avait produite sur lui la lecture de Fondation. Et c'est toujours avec passion qu'il dévide le fil des réflexions asimoviennes sur les moyens d'établir une société optimale (et la nature de ladite société), réflexions (ou dilemmes) présentées comme des dialogues entre personnages. J'avoue que j'avais décroché d'Asimov dans les années 1980, découragé par les interminables discours tenus par les personnages. Anthony Vallat met le projecteur sur la motivation d'un tel procédé, rehausse le sens de l'œuvre, et me donne envie d'y regoûter : c'est une des fonctions essentielles du discours critique.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 76, octobre 2015

Lire aussi dans KWS la chronique du numéro spécial Isaac Asimov de Bifrost par Pascal J. Thomas

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