KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Serge Brussolo : Frontière barbare

roman de Science-Fiction, 2013

chronique par Philippe Paygnard, 2014

par ailleurs :

David Sarella est exovétérinaire et son métier l'amène à côtoyer les créatures les plus étranges venues du fin fond de l'espace. Des entités que certains n'hésitent pas à transformer en armes vivantes pour des guerres sans fin. Ses talents si particuliers l'entraînent, avec son épouse Ula, infirmière de son état, sur la planète Mémoriana. Ensemble, ils vont participer à une mission de l'Organisation des Planètes Unies qui vise à mettre un terme à un conflit local d'une violence extrême sur cette planète de la frontière barbare.

Cela faisait déjà quelques lustres que Serge Brussolo avait délaissé la Science-Fiction pour se consacrer au thriller et au roman pour la jeunesse. Frontière barbare permet de retrouver l'auteur inventif qui, dans les années 80, révolutionna la vénérable collection "Anticipation" du Fleuve noir, avec des œuvres aussi originales que les Lutteurs immobiles (1983) ou les Fœtus d'acier (1984). Et c'est bien ce Serge Brussolo qui est aux commandes de Frontière barbare, avec cette même folie créative et ses obsessions récurrentes. On se doit de remarquer que les armes vivantes, qui ne sont que l'un des nombreux thèmes de ce nouveau livre, n'ont pas grand-chose à voir avec celles imaginées par Christin et Mézières dans les aventures de Valérian. Elles sont plutôt les héritières des machines de guerre qui hantent Rinocérox, un Brussolo paru en 1992. Après les mécaniques qui ressemblent à des animaux, il invente ainsi des bêtes qui deviennent des armes. L'auteur crée donc un bestiaire impressionnant avec des pachydermes lance-flammes, des ptérodactyles bombardiers et d'étonnants hydrodermes.

Frontière barbare permet également de retrouver David Sarella, le personnage masculin protéiforme que Serge Brussolo utilise dans bon nombre de ses romans de Science-Fiction. On l'a déjà croisé dans Enfer vertical en approche rapide (1986) comme dans Capitaine Suicide (1992), mais il est aussi présent dans certains des thrillers du romancier tel que le Sourire noir (1994). À l'image de la plupart des David Sarella que l'on rencontre dans l'œuvre de Serge Brussolo, l'exovétérinaire de Frontière barbare n'a rien d'un héros invincible. Il n'est qu'un être humain normal pris au piège d'une situation totalement anormale inventée par son géniteur. Complètement accro à une épouse génétiquement modifiée, David ne peut se résoudre à sa disparition. Tel un Orphée du futur, il va tout faire pour la ramener d'entre les morts, sans même songer aux conséquences de cet acte contre nature.

C'est donc un Serge Brussolo en grande forme qui, avec ce roman fourmillant d'idées, d'énergie et de rebondissements, jusqu'à ses ultimes pages, revient vers ses premières amours. Reprenant bon nombre de ses thématiques, il nous renvoie, avec une vivifiante nostalgie, aux meilleurs de ses livres parus, au siècle dernier, dans les défuntes collections "Anticipation" du Fleuve noir et "Présence du futur" de Denoël.

Après avoir lu ce livre, on ne peut qu'espérer que le romancier continuera encore longtemps à visiter cette Frontière barbare où tout est possible, surtout lorsque l'on a l'imagination débordante de Serge Brussolo.(1)

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 73, février 2014


  1. Lire ma chronique de la suite, Anges de fer, paradis d'acier, sortie en 2015.

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