KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Stephen King : Dôme

(Under the dome, 2009)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2011

par ailleurs :

Avec une mortelle soudaineté, un dôme invisible et infranchissable vient de s'abattre sur la petite ville de Chester's Mill, isolant définitivement, semble-t-il, ses habitants du reste du monde. Après avoir fait le compte des victimes directes et indirectes de l'apparition de ce dôme, les autorités locales commencent à s'organiser malgré la stupéfaction et l'incompréhension qui entourent cette situation inédite. Très vite, les habitants de la petite cité du Maine vont devoir apprendre à vivre en vase clos, en économisant les réserves disponibles, tandis qu'à l'extérieur, les hommes politiques, l'armée et les services secrets se mobilisent pour les sauver.

Régulièrement, Stephen King produit un mastodonte littéraire ; c'est le cas de Dôme dont l'édition originale, artificiellement découpée en deux pour la version française, comporte pas moins de 1065 pages. Cela place donc Dôme en troisième position des plus imposantes œuvres du King derrière les 1142 pages de Ça et les 1152 pages de l'édition non censurée du Fléau.

Outre leur taille exceptionnelle, Dôme et le Fléau partagent également certaines thématiques communes. Dans le second, Stephen King mettait les survivants de la super-grippe face à leurs responsabilités, leur imposant de faire des choix décisifs qui révélaient ainsi les défauts et les qualités de chacun. Avec Dôme, Stephen King renouvelle l'expérience en plaçant une collectivité organisée, puisqu'elle dispose d'un conseil municipal, de policiers, de commerçants et même de journalistes, sous la loupe grossissante du Dôme. Et, très vite, la petite ville d'apparence si tranquille va voir apparaître certains tyrans domestiques qui, s'appuyant sur l'isolement, vont, tout en conservant les rites démocratiques, mettre en place un véritable système dictatorial à leur seul profit.

La démonstration est d'autant plus efficace que Stephen King, même s'il utilise un casting pléthorique, parvient à rendre attachant ou intéressant chacun de ses personnages, y compris ceux que l'on découvre au détour de quelques lignes, juste avant une mort plus ou moins atroce. Certains sortent bien évidemment du lot, à commencer par Dale “Barbie” Barbara. Vagabondant à travers les États-Unis depuis qu'il a quitté l'armée, ce dernier avait trouvé un travail de cuistot au restaurant du coin. Cependant, après une altercation avec le fils du plus influent des concitoyens de Chester's Mill, il était en train de quitter la ville lorsque le dôme l'en empêcha brutalement. Ancien officier, il se trouve maintenant coopté par les responsables extérieurs pour devenir l'homme en charge de Chester's Mill. Si cette décision peut paraître logique vue du dehors, elle est complètement irréaliste pour les habitants du dôme. Barbara se retrouve ainsi face à une population qui se méfie des étrangers, cause de tous leurs maux, et préfère de beaucoup faire confiance aux responsables locaux. Pratiquement seul contre tous, Barbara appartient donc plus à la catégorie des anti-héros qu'à celle des héros purs et durs. Il est le témoin privilégié de l'émergence d'une véritable dictature locale, violente et sans pitié, sous le dôme, et devient, en tant qu'étranger, le bouc émissaire idéal pour le pouvoir en place.

Face à Barbara se dresse le plus malin des vendeurs de voitures, James “Big Jim” Rennie. Ce dernier détenait la haute main sur le marché des voitures d'occasion de toute la région, mais aussi sur la distribution de méthamphétamine, et reste le premier adjoint au maire de Chester's Mill. Cette dernière fonction lui permet de diriger, en sous-main, l'ensemble des services municipaux, à commencer par la police qu'il réorganise et transforme en véritable milice personnelle. Il a tellement de secrets à cacher qu'il voit, dans la présence du dôme, le moyen idéal de faire le grand ménage et de se faire une nouvelle virginité par tous les moyens que lui offre cet isolement aussi inattendu que bienvenu pour lui.

Alors que Barbara fait de son mieux pour découvrir l'origine du dôme et pour le faire disparaître, Rennie profite de l'existence de celui-ci pour accroître son pouvoir, même si cela conduit la ville de Chester's Mill à la catastrophe et sa population à la mort.

On peut bien évidemment reprocher à Stephen King de réutiliser certains thèmes déjà développés dans sa bibliographie : l'isolement (Brume), l'affrontement du Bien contre le Mal (le Fléau)… Mais, loin de se répéter, le romancier joue, avec Dôme, une partition toute nouvelle et il finit par surprendre son monde par un final inattendu. Et, comme toujours, Stephen King sait rendre humain le moindre de ses personnages, y compris le plus impitoyable tueur, ce qui fait qu'il est difficile de lâcher ce(s) livre(s) lorsque l'on en a commencé la lecture.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 69, juin 2011

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