KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Pierre Bottero : les Limites obscures de la magie

Érik L'Homme : la Pâle lumière des ténèbres

romans fantastiques pour la jeunesse dans l'univers d'A comme Association, 2010

chronique par Éric Vial, 2011

par ailleurs :

Il est difficile d'envisager deux chroniques séparées, même s'il y a bien deux auteurs, deux histoires et deux héros. Les deux auteurs se coordonnaient, les deux histoires coïncident dans le temps, les deux héros se connaissent. Le décor est bien entendu le même, le principe aussi, et certains éléments sont vus successivement de deux points de vue. Et l'imparfait pour ce qui est des auteurs n'est pas une coquille, la présentation “en guise d'introduction” d'Érik L'Homme aux deux volumes expliquant que Pierre Bottero est décédé alors que tous deux avaient inventé le cadre et écrit chacun deux volumes, et qu'il a décidé de continuer l'aventure seul, en hommage. De faire vivre ce qui était l'association de deux auteurs, et l'est encore de deux éditeurs (Gallimard & Rageot). En plus d'être le sujet de la série. À partir de là, d'ailleurs, il faut se prémunir contre la tentation facile de trouver les textes du mort supérieurs à ceux du vivant, ce qui est subjectif, en tout cas plus longs, ce qui est objectif.

Dans les deux cas, le narrateur est le protagoniste principal, adolescent d'un côté, tout juste post-adolescente de l'autre. Et dans la bonne tradition du roman populaire, il n'est pas encombré par une famille : l'un profite de l'aisance de parents absentéistes et un peu fêlés, l'autre est orpheline, et coupée de ses origines puisque Canadienne à Paris. Ils sont différents, parce que tous les adolescents sont différents ; mais c'est là que l'on passe au Fantastique, aux limites de la Fantasy. L'une est “incassable”, l'autre a un don pour la magie. Ils ont été repérés, recrutés par une organisation qui les forme pendant qu'ils mènent une vie en apparence normale, scolarité comprise (identification maximale oblige). Et qui les envoie en mission. L'organisation a en effet la responsabilité d'assurer la bonne coexistence, dans la discrétion la plus totale, entre les humains et les autres… vampires, trolls et tutti quanti, lesquels existent, discrètement, à côté de nous sans que nous le sachions : on est bien aux marges de la Fantasy (la coexistence organisée) et du Fantastique (l'irruption du surnaturel dans la réalité, mais avec effacement des traces et impossibilité de savoir la vérité, du moins pour la plupart des personnages mais non pour le lecteur, le personnage principal et quelques autres : on n'est pas tout à fait dans les règles traditionnelles du genre…). L'organisation, l'Association pour la nommer, fonctionne sur d'autres stéréotypes du roman populaire, convenablement décalés : immeuble discret, secrétaire omnisciente, “patron” bougon, réserve d'armes, magiques bien entendu, gérée par un original, fondu de papillons ici, et à laquelle on accède par un ascenseur camouflé en placard à balais. Et les missions des agents débutants, si elles peuvent prendre des tours inattendus, sont en théorie élémentaires : à eux de ne pas les transformer en catastrophes. À un vampire sous drogue, ou à des trolls procéduriers entendant détruire un lycée, s'ajoutent les maladresses des narrateurs, relative irresponsabilité du garçon, incapacités de la fille en matière de magie…

Bon. Cela fonctionne bien entendu beaucoup sur l'identification. Sur la décontraction de la narration. Sur les jeux de mots stupides du garçon. Sur les ficelles au format de câbles de marine. Mais ça marche sur un supposé adulte déjà sénescent ; on peut supposer que ça marchera sur nombre de jeunes… Et cela fait partie de ces trucs dont on n'avouera pas qu'on les a lus avec plaisir, parce que c'est trop gros, trop élémentaire, trop, trop, trop tout ça, mais qu'on a effectivement lu avec plaisir. On ne va pas demander mieux. On peut même attendre la prochaine paire de volumes, annoncée pour mars 2011, c'est-à-dire probablement après la sortie de ce numéro(1) de KWS.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 68, mars 2011


  1. Après avoir avoué ce que tu dis ne pas avouer, tu essaies de me forcer la main sur la parution ? Ça va mal finir. — Note du rédacteur-en-chef bougon, du fond de son immeuble discret.

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