KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Jean-Claude Mourlevat : le Combat d'hiver

roman de politique-fiction et de Fantasy pour la jeunesse, 2006

chronique par Éric Vial, 2011

par ailleurs :

Dans une publication de diffusion normale, ou même dans la partie explicitement “jeunesse” d'une revue spécialisée, Galaxies au hasard, il serait normal de dire du bien de ce livre. Parce que le lecteur adolescent devrait bien se projeter sur les personnages, parce qu'on est effectivement entraîné dans l'histoire, parce qu'il y a quelques images fortes et, avouons-le, parce que le message global, une dictature de brutes défaite par l'art, la culture, le chant en l'occurrence, s'il est sans doute bien naïf, est fort sympathique. Autant dire que dans les cadres précités, c'est une lecture à conseiller.

Mais nous ne sommes pas ici dans un des deux types de publication en question. Un fanzine est fait pour partager des enthousiasmes, mais aussi pour les joies de la tétracapillotomie. Pour les récriminations et les démontages. Et il y a à redire.

Passons sur la naïveté du discours central. Le problème essentiel réside plutôt dans la façon dont sont approximativement cousues quelques images, de fait assez fortes, ou quelques cas de figure efficaces du roman populaire ou de la littérature jeunesse : l'internat géré par de braves sadiques, héritage de la littérature du xixe siècle mais aussi de réalités qui ont perduré fort avant dans le siècle suivant ; les jeux du cirque ; la révolte (qui, fatigue de l'auteur ou fatigue du lecteur, ne m'a pas semblé ce qu'il y avait de plus travaillé) ; les frustrations des bénéficiaires de la dictature, supposées expliquer leur brutalité ; des hommes-chiens policiers, et des hommes-chevaux frustes mais d'une fidélité à toute épreuve… et puis des “consolatrices”, figures magnifiées des correspondants d'internats. Il a fallu mélanger tout cela. D'où une bonne dose de politique-fiction, avec enfants des victimes de la dictature élevés sous la surveillance de leurs bourreaux, et se retrouvant moteurs d'une révolte ; avec aussi quelque chose d'indéfini, entre manipulations génétiques (ce serait de la SF), espèces étranges (SF ou Fantasy ?), et un bout de réalisme magique quand bouge le bout de ciel peint au plafond d'un cachot de l'internat… On ne contestera guère chaque élément, fût-il un pont-aux-ânes, fût-il un recyclage : il est alors appuyé sur d'autres plus originaux. Mais l'ensemble donne tout de même une impression étrange, comme si des morceaux d'histoire, ou des morceaux de bravoure, jugés insuffisants pour aboutir à une histoire suffisante, avaient été arbitrairement rapprochés, cousus, un peu rapetassés, mixés avec quelques éléments adventices, pour un résultat qui se laisse tout à fait lire, qui peut tenir en haleine, qui intéressera sans doute de jeunes lecteurs, contre lequel il n'y a pas de mal à dire, mais qui laisse tout de même un goût d'insatisfaction. Parce que l'horizon d'attente n'est pas adéquat, sans doute.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 68, mars 2011

Lire aussi dans KWS une autre chronique de : le Combat d'hiver par Pascal J. Thomas

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