KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Thomas Day : la Maison aux fenêtres de papier

roman fantastique, 2009

chronique par Philippe Paygnard, 2009

par ailleurs :

Depuis leur naissance, en 1945, Nagasaki Oni et Hiroshima Oni, deux frères démons rivaux, se partagent la domination souterraine du Japon à travers les clans yakuzas qu'ils dirigent d'une poigne de fer dans un gant d'acier. Cependant, il est aujourd'hui temps pour Nagasaki Oni de passer la main à celle qui est tout à la fois sa prisonnière, son esclave, sa maîtresse et son héritière, Sadako. Cette dernière est l'ultime représentante de son espèce, une femme-panthère qui va devoir, en quelques heures, passer du statut de soumise à celui de chef de clan après un duel à mort avec Nagasaki Oni qui fut son geôlier, son maître, son amant et son père adoptif.

Avec cette Maison aux fenêtres de papier, Thomas Day nous entraîne à nouveau dans un Japon qui, s'il n'est plus médiéval comme dans son diptyque de la Voie du sabre, reste totalement fantastique. On y croise donc, tout naturellement, des démons, mais aussi une femme-panthère qu'il plonge dans l'univers de violence et de stupre des Yakuzas. Que Thomas Day organise ainsi la rencontre entre la mythologie ancestrale des démons et celle plus moderne de ces criminels bien réels, souvent magnifiée par le 7e art,(1) devient rapidement une évidence à la lecture de ce récit pleinement maîtrisé. Au fil de ses années d'écriture, Thomas Day a perdu une partie de la hargne et de l'impulsivité qui constituaient la marque de fabrique de ses nouvelles et de ses premiers romans ; en contrepartie, il apporte une certaine fraîcheur et une réelle originalité à une littérature fantastique dominée par une Fantasy souvent standardisée et omniprésente.

La genèse des frères démons Nagasaki Oni et Hiroshima Oni, tout comme celle de Sadako la femme-panthère, auraient peut-être mérité d'être plus amplement détaillées, mais Thomas Day préfère laisser une part de mystère autour de ces créatures fantastiques. Par contre, il se donne le temps de décrire par le menu la naissance de l'Oni No Shi, l'épée tueuse de démons, dans un Cambodge médiéval et fantastique nimbé de magie et de sorcellerie. Cependant, il prend un plaisir évident à brouiller les pistes en la racontant de deux points de vue diamétralement opposés, au tout début et à la fin du livre. Deux vérités pour une seule réalité.

Moins poétique que le Trône d'ébène, moins centré sur la quête initiatique que la Voie du sabre, la Maison aux fenêtres de papier n'est pourtant pas le simple roman d'action qu'il semble être au premier abord. Ce livre porte en lui, presque de manière insidieuse, de véritables valeurs morales dans un monde qui ne l'est plus depuis longtemps.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 64, novembre 2009


  1. Notamment par les réalisateurs japonais Kinji Fukasaku et Takashi Miike, ainsi que l'Américain Quentin Tarantino (dans Kill Bill, volume 1, en 2003), auxquels Thomas Day rend explicitement hommage en page de titre de son livre et dans sa filmographie sélective en annexe.

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