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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 60 SF : la science mène l'enquête

Keep Watching the Skies! nº 60, juillet 2008

Roland Lehoucq : SF : la science mène l'enquête

rédactionnel

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chronique par Éric Vial

Après Superman et la Guerre des étoiles, voici la S.-F. en général. Des chroniques de Bifrost, juste un peu toilettées. Et même si le titre ne veut pas dire grand-chose, le résultat est bien intéressant. Même pour qui a lu à première publication ces décorticages scientifiques de divers thèmes.

Demandez le programme : conditions concrètes d'un voyage vers le centre de la terre, contraintes mécaniques pesant sur la réalisation d'un ascenseur spatial, effets de la mécanique céleste sur les voyages vers Mars, tristes réalités des distances entre les étoiles et des moyens de propulsion imaginables, fonctionnement d'un trou noir, paradoxe de Langevin mais aussi possibilités théoriques de raccourcis à travers le temps, problèmes nuisant à l'efficacité des grosses bestioles type Godzilla mais aussi aux mini-super-héros comme la Guêpe, effets de la taille des planètes, de celle de l'étoile autour de laquelle elle tourne, effets aussi des étoiles multiples ou d'une position différente dans la galaxie, terraformation, possibilités de colonisation de la galaxie déjà évoquée, possibilité d'univers multiples coexistants ou juxtaposés mais pas forcément particulièrement vivables, liens entre une possible quatrième dimension et la question de la “matière noire” introuvable et pourtant présente, fonctionnement du Rama de Clarke et réalité du danger des astéroïdes baladeurs. Il y a là de quoi satisfaire un appétit assez robuste, même si le plan est quelque peu erratique, entre référence précise à tel ou tel roman ou film d'actualité plus ou moins oubliable, et thèmes généraux, et aussi entre notre bonne vieille terre, sa banlieue immédiate et un peu au-delà de l'univers : un plan plus rationnel aurait pu être imaginé — mais dans le fond, le style “tapas” n'est pas mal non plus (les tapas emballent, c'est bien connu). Alors, on ne va pas trop couper les cheveux en quatre. Encore que ce soit l'auteur qui y incite. Parce qu'il adore manifestement dégonfler des baudruches, souligner des incohérences et saboter des rêves. Rappeler les dures réalités du temps et de l'espace. Rappeler en fait que nous sommes tout petits sur une minuscule pellicule de moisissure sur une bille imperceptible tournant autour d'une étoile assez quelconque dans l'immense vide d'un coin perdu d'une galaxie qui n'est elle-même qu'une tache dans un encore plus grand vide qui n'est peut-être qu'une bulle parmi tant d'autres dans un méta-univers ou chaque bille a ses lois physiques. Ce qui si l'on revient à notre propre situation, n'est pas vraiment une promotion pour des gens qui se sont longtemps pensés comme les rois et le centre de toute création. Même si ce n'est pas nouveau et si le type de vertige que cela induit remonte au moins à Blaise Pascal et au « silence éternel de ces espaces infinis », ou à Savinien de Cyrano de Bergerac et à la « cironalité universelle » (nous sommes à notre monde ce qu'est un ciron, un minuscule insecte, par rapport à nous, mais d'un côté le ciron a ses propres cirons, minuscules par rapport à lui, et de l'autre côté notre monde est lui-même un ciron à la surface d'autre chose…) : idées que, quelques siècles après, nous n'avons peut-être pas tout à fait apprivoisées. Le rôle de la S.-F. est d'ailleurs peut-être tout à la fois de rappeler ces réalités pas toujours agréables, et de les nier, ou de mettre en scène leur improbable dépassement. Ce que Lehoucq ne dit pas, mais laisse peut-être entendre.

En tout cas, son kaléidoscope thématique est tout à fait passionnant, les dégonflages d'espoirs alternent avec les perspectives ébouriffantes, un vrai don de vulgarisation rend les choses compréhensibles au plus obstiné des littéraires littératurants, et si le volume est bien entendu loin d'être complet, on peut en attendre d'autres, qui reprendront les chroniques parues depuis, et celles à paraître.