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Keep Watching the Skies! nº 60, juillet 2008

Régis Messac : Quinzinzinzili

roman de Science-Fiction

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chronique par Jérôme Charlet

Il y a des classiques dont on se dit que oui, il faudrait, un de ces jours, qu'on les lise. On en a entendu parlé, par des amis, des relations. Ou ils figurent en bonne place dans les Bibliographies Incontournables Du Genre. Ou les deux à la fois. Bien sûr, on sait confusément de quoi ils parlent, tous ces livres. Mais on remet toujours à plus tard leur lecture, trouvant toujours de bonnes raisons, de belles nouveautés à lire.

Pour moi en tout cas, ça s'est passé comme ça avec Quinzinzinzili. Oui, c'était du post-apo humaniste, oui ça me plairait, m'avait certifié un grand ami, lecteur acharné de Science-Fiction française du Premier Âge.

Et puis un jour, je l'ai lu.

Ce roman, magnifiquement écrit, est d'une grande vision humaine, comme je les aime. Trouble mais profonde. Je vous raconte en trois mots : un précepteur, parti en montagne avec ses quelques élèves, se réfugie dans une grotte lorsqu’éclate la Dernière Guerre. Celle qui voit, en quelques secondes, la fin de l'Humanité (« Ainsi commença la guerre. Et ce fut, vraiment, le commencement de la fin. » p. 42) Seuls survivants, donc, cet homme, le dernier adulte, désabusé, et ce petit groupe d'à peine une dizaine de jeunes têtes blondes, qui réinventent une humanité nouvelle, retrouvant ses vieux atavismes et sa stupide sauvagerie.

D'une vision à la fois extrême et diablement intelligente, ce court roman (paru en 1935) nous montre la mort d'une civilisation, qui portait en elle-même à la fois les plus belles œuvres d'art et les plus absolus tyrans, et la renaissance d'une autre, fondée sur l'animalité humaine, avec cette prééminence de l'instinct (de survie, mais aussi de reproduction) et ce retour aux rites primaires qui calment les angoisses (au premier rang desquels la prière à Quinzinzinzili…). Et à nouvelle donne humaine, nouveau langage aussi. L'Humanité redémarre, mais sous une forme déjà bancale, déjà biaisée. L'humain ne peut-il donc que cela ?

Régis Messac est un grand écrivain. Son écriture est magnifique. Sa narration, tendue comme une flèche. Et ses personnages, on sent bien qu'il les aime, malgré tout. Malgré cet humour grinçant et cette cruelle analyse qu'il propose des travers de l'Humanité. Il aime l'Humain, sous sa vision pessimiste est caché l'immense espoir qu'il est possible de placer en l'Homme.

Ce roman est un réel chef-d'œuvre. Et si sa réédition, dans une toute nouvelle et très belle forme (avec ses annexes et cette belle préface d'Éric Dussert), peut devenir l'élément déclencheur pour que vous lisiez ce livre, que Quinzinzinzili en soit remercié !

Notons une dernière chose : la réédition a été possible notamment grâce à la Société des Amis de Régis Messac, association loi 1901 qui a entrepris de republier tout le corpus messacquien, ou d'aider à sa republication. Constituée en décembre 2006, elle a déjà à son actif deux ouvrages en plus de ce roman : les Lettres de prison (lettres écrites par Messac à ses proches pendant sa captivité dans les années 40, pour faits de résistance, avant qu'il ne soit déporté et ne se perde dans la Nuit et le Brouillard) et les Romans de l'Homme-Singe (essais sur des œuvres comme l'Île du Docteur Moreau, Balaoo, etc.). Sont annoncés pour 2008 : le Miroir flexible (une très belle nouvelle), Micromégas (essai sur les œuvres ayant trait à l'infiniment grand ou l'infiniment petit) et les Premières utopies. Suivront bien d'autres, de "À bas le latin !" à sa thèse sur le Detective novel… De plus, elle édite un bulletin trimestriel, intitulé, comme de juste, Quinzinzinzili ! La société peut être jointe à l'adresse suivante : 71, rue de Tolbiac — 75013 Paris — 09 54 13 87 88.