Laurent Bonzon ; Denis Bretin : Mickey monster (Club Van Helsing – 6)

Roger McOrman était un très banal VRP officiant dans le Wisconsin, lorsque, lors d'un de ses déplacements professionnels, il prit un raccourci qui allait changer sa vie, lui faire perdre la vue et sa petite amie. C'est sa triste histoire qu'il veut à tout prix conter aux membres du Club Van Helsing1 et à leur chef incontesté, le Professeur Hugo Van Helsing.

Même si quelques célèbres chasseurs du Club Van Helsing font une apparition dans ce roman2, ils se font immédiatement voler la vedette par un VRP obèse et aveugle qui se glorifie d'être l'inventeur de la machine à Mickey™. Symbole caricatural d'une Amérique où n'importe qui peut réussir à condition d'avoir une idée, Roger McOrman, dont le nom fait irrésistiblement penser à un célèbre producteur de cinéma de séries B jusqu'à Z, vit dans une Amérique de pure fiction où il y a encore des cinémas en plein air où emmener sa fiancée comme pouvaient le faire les adolescents de la série télé Happy days (elle aussi située dans le Wisconsin). Comme dans les plus classiques des films d'Horreur, le monstre tue, décime et massacre, sans que les autorités s'aperçoivent de sa présence. Le seul à savoir ce qui se passe, c'est notre héros malgré lui qui n'a, hélas, pas le charisme et le courage d'un Steve McQueen ou d'un Kevin Dillon3.

Outre ce très antipathique narrateur, Denis Bretin et Laurent Bonzon ont créé une galerie de personnages secondaires dignes des meilleurs nanars américains. On retrouve ainsi la très irritante vieille voisine avec son chien, le très obtus inspecteur de police, la voluptueuse fiancée blonde et quelques autres. Mais l'un des plus amusants reste sans doute le Professeur Guineas Sörberg, éminent membre du Club Van Helsing, qui, au début du roman, raconte sa dernière expédition au cœur des jungles de Bornéo. Il fait alors irrésistiblement penser à ce sympathique explorateur blanc, dans un des premiers films de Tarzan, version Johnny Weissmuller, qui s'exclame « Que portait-il ? » après avoir vu l'un des porteurs indigènes tomber du haut d'une vertigineuse falaise.

Malgré ou plutôt à cause de ces grosses ficelles, le récit de Denis Bretin et Laurent Bonzon fonctionne vraiment bien car les deux auteurs utilisent ces clichés vus et revus pour dénoncer une certaine Amérique, celle qui exporte manu militari sa démocratie dans certaines contrées pétrolifères, sans pour autant se prendre au sérieux et jouer les moralisateurs.