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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 59 le Roi en jaune

Keep Watching the Skies! nº 59, janvier 2008

Robert W. Chambers : le Roi en jaune

(the Yellow sign)

nouvelles fantastiques

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chronique par Jérôme Charlet

Chasseurs de livres maudits et introuvables, arrêtez-vous ici quelques minutes, car voici un ouvrage qui vous fera passer les meilleures heures de la nuit à grelotter dans le fond de votre couche… Le Roi en jaune, recueil mythique de Robert W. Chambers, est enfin à nouveau disponible !

Ce recueil de nouvelles fantastiques, réel monument de la culture fantastique anglo-saxonne, avait fait l'objet d'une publication (très) partielle et d'une traduction (très) moyenne chez Marabout. Et depuis, le désert. Rien. Même le poche devenait extrêmement difficile, voire impossible, à dénicher.

Pourtant, Robert W. Chambers (écrivain oublié, connu à son époque plus pour ses romans historiques et/ou à l'eau de rose) est l'une des sources d'inspirations fondamentales d'auteurs comme H.P. Lovecraft, M.Z. Bradley, et tellement d'autres. Et chez nous, nada.

Mais parlons du texte, non plus du métatexte : il existerait, dans cette fin du xixe finissant, une œuvre vénéneuse, une pièce de théâtre dont la seule lecture déclenche la folie latente, ouvre une porte au fond de votre esprit vers de l'indicible. Cette pièce, intitulée le Roi en jaune, les héros des nouvelles qui composent le recueil la croisent, l'évitent, rencontrent des personnes l'ayant lue, la connaissent de loin…

Plus qu'un Fantastique monstrueux, les textes nous mettent face à une décadence, à une souffrance nerveuse qui ronge. Ainsi de la nouvelle "le Masque", où d'une somme toute banale histoire d'amour à trois personnages sort le trouble et mets le lecteur mal à l'aise. Ou "le Signe jaune", dans lequel un peintre se fait peu à peu contaminer par on ne sait quelle folie, voyant partout cet étranger glauque à la peau malade. Ou encore ce tour de force qu'est "le Restaurateur de réputations", où un dandy, se présentant comme sain d'esprit et en pleine possession de ses moyens, va révéler peu à peu au lecteur l'inversion de toutes ses valeurs, et au final son glissement vers le malsain et la folie.

L'édition, pour la première fois définitive en langue française, est due à Christophe Thill, cofondateur avec Thomas Bauduret, des éditions Malpertuis. Il avait depuis très longtemps envie de proposer une nouvelle édition de ce grand classique. Il a réalisé un travail remarquable. Sa traduction rend à merveille l'écriture corporelle, sensuelle de Chambers, et l'appareil critique possède le bon équilibre, érudit mais jamais lourd ou imposant.

Je sens d'ailleurs monter en moi, maintenant que j'ai croisé la route de ce livre, le sentiment de la beauté réelle du monde. À mes oreilles se fait entendre ce cantique merveilleux :

Ma voix déjà se meurt et le chant de mon âme

Doucement s'évanouit comme sèchent les larmes

Qu'on n'a jamais versées,

À Carcosa