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Keep Watching the Skies! nº 56, janvier 2007

Bernard Werber : le Papillon des étoiles

roman de Science-Fiction

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chronique par Philippe Paygnard

Ingénieur et chef du département Innovation et Prospective de l'Agence spatiale, Yves Kramer voit sa vie tranquille complètement bouleversée lorsque, en rentrant chez lui en voiture, il renverse Elisabeth Malory, célèbre championne de voile. Grièvement blessée, la navigatrice échappe à la mort, mais reste paralysée et sa vie semble brisée à jamais. Rongé par la culpabilité, Yves Kramer s'attelle alors à un projet fou, construire un voilier spatial capable de naviguer sur les courants cosmiques pour fuir une planète condamnée par la pollution et la folie des hommes. S'il parvient sans peine à mettre cette idée utopique sur le papier, il n'a bien évidemment pas les moyens de la concrétiser. Fort heureusement, un milliardaire condamné par la médecine, Gabriel Mac Namarra, décide d'investir son incommensurable fortune dans la réalisation de cette entreprise insensée. Yves Kramer se consacre alors corps et âme à la construction de cette véritable ville de l'espace qui permettra à une poignée d'humains de fuir la Terre pour coloniser une planète qu'il a repérée à deux années-lumière du système solaire. Ce Papillon des étoiles a besoin d'un pilote et Yves Kramer n'a qu'un seul candidat en tête : Elisabeth Malory…

Je dois avouer que je me suis laissé prendre par ce récit de Bernard Werber qui prône la fuite comme dernier espoir, et il ne m'a fallu que quelques heures pour le dévorer dans son intégralité. Mais, une fois l'excitation de la découverte passée, il apparaît comme une incontournable évidence que ce petit roman, par la taille, souffre de bien nombreuses lacunes, de quelques incohérences flagrantes et d'un rythme bien trop rapide au regard de l'importance de son thème central. Ainsi, dans cette folle cavalcade littéraire, Bernard Werber se plaît à placer une foultitude d'embûches sur la route de ses héros, mais il les élude tout aussi vite pour faire avancer sa prose sur un tempo effréné. Il faut dire que le pari de l'auteur est des plus ambitieux : réunir cent quarante-quatre mille personnages — et pas seulement quatre mille quatre cents comme le font certains — à bord d'un vaisseau spatial géant pour le lancer dans une course d'un bon millier d'années afin de coloniser une autre Terre et tout ça en moins de deux cent cinquante pages ! Il n'est donc pas étonnant que le contrat ne soit pas totalement rempli et laisse n'importe quel lecteur — y compris, je le crains, les fans hardcore de Bernard Werber — sur sa faim. D'autant que le rebondissement final, même s'il peut surprendre dans le contexte simili-scientifique du roman, n'a vraiment rien d'innovant. Bon nombre d'auteurs de Science-Fiction ont déjà utilisé un tel gimmick dans une nouvelle, un roman, une bande dessinée, un épisode de série TV ou un film.

La déception est d'autant plus grande que Bernard Werber disposait ici d'un sujet en or et qu'il a maintes fois prouvé sa capacité à convaincre un vaste lectorat avec des thèmes appartenant peu ou prou à la Science-Fiction. S'il faut chercher une explication à cette évidente baisse de forme du romancier, on la trouve très certainement dans la page remerciement. Bernard Werber y liste les personnes qui l'ont aidé de près ou de loin à concevoir cette histoire, les musiques qu'il a écouté et surtout l'événement survenu durant l'écriture du Papillon des étoiles : l'écriture du scénario et la réalisation du film Nos amis les Terriens. En effet, le romancier, qui s'est déjà essayé au court (avec la Reine de nacre en 2000), vient d'écrire et de mettre en scène son premier long-métrage, produit par Claude Lelouch. Il est à craindre que cette multiplicité d'activités n'a fini par porter tort au Papillon des étoiles.

Le Papillon des étoiles n'est pas un mauvais roman, mais c'est une œuvre qui donne une impression d'inachevé. Ce court roman aurait certainement mérité plus d'attention de la part de son auteur. C'est bien dommage pour Yves Kramer et Elisabeth Malory, ces deux personnages avaient un réel potentiel et auraient pu devenir les héros d'une véritable saga cosmique et humaine si ce roman était devenu l'une des trilogies à succès dont Bernard Werber a le secret.