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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 54 la Mystérieuse flamme de la reine Loana

Keep Watching the Skies! nº 54, juillet 2006

Umberto Eco : la Mystérieuse flamme de la reine Loana

(la Misteriosa fiamma della regina Loana)

roman fantastique

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chronique par Éric Vial

On ne va pas essayer de faire croire qu'il s'agit d'une histoire de S.-F. Mais cette tentative de reconstitution de l'enfance par un marchand de livres anciens rendu amnésique après un accident vasculo-cérébral, passe par les disques, les timbres, les cahiers d'écolier, les livres, les journaux, les bandes dessinées, toutes traces des années 1930 et 1940 enfermées dans un grenier, et redécouvertes par le narrateur. Puis petit à petit interviennent des souvenirs directs, muettes amours de collégien ou aide directe à la Résistance. Pour ce qui nous intéresse ici, on retrouve tout l'intérêt qu'Umberto Eco porte à la littérature populaire, quelques éléments déjà en place dans des textes théoriques (du caractère pré-fasciste des “bons élèves” de Cuore, l'équivalent italien de notre Tour de la France par deux enfants, à la multiplicité des scènes de révélation/reconnaissance dans Monte-Cristo). Et bien entendu des références à la S.-F., en particulier et de façon massive à Flash Gordon, avec une réflexion sur l'éloge des valeurs de liberté contenu dans cette série, en contraste radical avec la dictature fasciste — tout comme l'est par exemple la défense de la liberté de la presse par Mickey journaliste. Et on pourra ajouter une page, à la fin, où le narrateur s'interroge sur la réalité de ses souvenirs, se demande si le monde dont il se souvient (Tokyo capitale du Japon, Napoléon mort à l'île d'Elbe les œuvres de Huysmans, etc.) a une quelconque existence, si c'est un univers parallèle, si ses semblables et lui-même n'ont pas en réalité « la peau recouverte d'écailles vertes et quatre antennes rétractiles au-dessus d'un œil unique »…

L'Histoire, l'auto-fiction, l'exploration des souvenirs, la littérature populaire se mêlent. Et c'est pour le moins intéressant. Même sans doute quand on ne connaît particulièrement ni l'Italie ni l'époque considérée : cette dernière fait encore plus ou moins partie d'un fond commun de références passablement international. Et tant pis si la traduction pèche parfois un peu, si le style oral en devient parfois empesé, si la façon de s'exprimer d'une vieille paysanne de l'an 2000 doit trop à Molière, si des titres sont modifiés (on ne peut guère exiger qu'ait été connu les Flagellateurs de l'océan publié sous ce titre chez Ferenczi en 1928, et qui aurait pu effectivement être traduit par les Ravageurs de la mer, mais Keraban l'obstiné aurait peut-être surpris Jules Verne) : avec Eco, bien d'autres problèmes de traduction se posaient, capables d'épuiser n'importe qui, inévitable contrepartie du feu d'artifice offert…