KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Francis Valéry : les Sources du Nil

roman fantastique, 2000

chronique par Pascal J. Thomas, 2002

par ailleurs :

Nous sommes à Londres. Alors qu'une série de meurtres plus inexplicables les uns que les autres vise diplomates, gardes du corps ou anciens mercenaires liés au Zangania, un pays africain à l'histoire typiquement mouvementée, l'écrivain Paul Winkler commence à Londres une brève visite consacrée à une signature de ses livres pour la jeunesse. Divine surprise : Brenda, la journaliste chargée de l'interviewer par le service “culture” de son journal, se laisse séduire par l'homme dont les œuvres la laissent froide. Moins bonne surprise : police et services secrets s'intéressent de près audit Winkler, et Brenda ne sera pas de trop pour coller à ses basques.

Francis Valéry pratique ici l'“esthétique de la fusion” qu'il revendique à propos de la Cité entre les mondes : à une intrigue de roman d'Espionnage mâtinée de Fantastique classique, il incorpore des passages de description très atmosphériques, et des notations vécues sur les délices des promenades londoniennes. Paul Winkler est un autre des doubles de Francis Valéry qui peuplent ses livres ; celui-ci est peut-être plus proche que d'habitude du FV réel, avec son œuvre de littérature pour la jeunesse, et ses habitudes de séducteur. Sans compter la fascination pour l'Afrique, inséparable ici de l'intrigue du livre.

Aspects fort agréables mais anecdotiques. La littérature, ambitieuse ou pas, n'est pas le journalisme. J'en viendrais à regretter que le livre recycle ce cliché du Fantastique qu'est la figure de l'écrivain tirant la substance d'une œuvre de fiction d'une réalité extraordinaire insoupçonnée du reste du monde — ironie ? volonté délibérée de puiser son matériau aux sources les plus crues de l'imaginaire plébéien ?

Ce qui est indéniable est qu'en tant que roman populaire, les Sources du Nil remplit son contrat avec maestria. S'il n'a pas la même ambiguïté troublante que l'Erreur de France, il aligne rebondissements et courses-poursuites parfaitement rythmées, en laissant le temps aux clins d'œil et aux flash-backs. Parcourant une orbite moins étendue, ce roman donne moins prise aux regrets que la Cité entre les mondes. On ne peut reprocher à un artiste de toujours tenter d'en faire plus, mais certains grands écarts sont diablement périlleux. Et Valéry s'est essayé à une grande variété de projets littéraires, et parfois dans le cadre d'une même œuvre. Ma capacité au plaisir de lecture n'est pas toujours à la hauteur. Ici, j'ai pu me plonger dans le livre sans le moindre repentir, et suis sorti de l'expérience agréablement émoustillé : bravo !

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 41-42, janvier 2002

Lire aussi dans KWS une autre chronique de : les Sources du Nil par Philippe Paygnard

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