KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

J. Gregory Keyes : les Démons du Roi-Soleil (l'Âge de déraison – 1)

(Age of unreason — 1: Newton's cannon, 1998)

roman de Fantasy

chronique par Philippe Heurtel, 2002

par ailleurs :

Le 1720 de Keyes est bien différent de celui qui nous est décrit par les livres d'Histoire. C'est qu'une cinquantaine d'années auparavant, Isaac Newton a développé ses travaux sur l'alchimie, livrant au monde à la fois une théorie magico-scientifique (à l'image de ce qu'il a fait dans notre réalité pour la mécanique) et des applications technologiques. Le monde s'en est donc trouvé changé, d'un point de vue aussi bien quotidien (des “lanternes magiques” illuminent rues et maisons, des “éthérographes” permettent de communiquer instantanément entre deux lieux même très éloignés) que militaire (des canons tirent des boulets qui, grâce au mercure philosophale, se dirigent automatiquement vers les villes ou les murs pour lesquels ils ont été spécialement conçus). Sans parler de Louis XIV qui, en cette année 1720, est toujours vivant grâce à l'absorption d'un élixir persan.

Dans ce premier roman — qui fait partie d'une série comptant à ce jour quatre volumes, mais qui peuvent très bien se lire indépendamment —, nous suivons le destin de plusieurs personnages. Tout d'abord du jeune Benjamin Franklin qui, à Boston, dans les Colonies, se morfond dans l'imprimerie de son frère, lui qui rêve d'être un grand philosophe, lit avec ferveur les Principia de Newton, et développe théories et inventions alchimiques révolutionnaires. Ou encore de l'aristocrate Adrienne, elle aussi férue de sciences mais frustrée par le carcan social.

Leur vie bascule lorsque tous deux découvrent par hasard, chacun de leur côté, l'existence d'une monstrueuse offensive menée par un ex-disciple de Newton, pour le compte du Roi-Soleil, et visant ni plus ni moins à entièrement détruire Londres. Benjamin et Adrienne doivent alors lutter, contre les hommes, mais aussi contre de mystérieuses créatures semblant tout droit surgies de l'éther…

Voici donc un roman steampunk original, puisque d'une part il se déroule aux xviie et xviiie siècles, et d'autre part base l'avancée scientifique et technologique de cette époque sur l'alchimie. Le (véritable) Newton, d'ailleurs, avait bel et bien effectué des recherches sur l'alchimie, en sus des autres travaux scientifiques qui l'ont rendu célèbre. Keyes nous offre donc de nombreuses et charmantes inventions basées sur ce principe, et développe quelques théories (composition alchimique de la matière, affinité entre éléments). Sans s'y étendre outre mesure, faisant plutôt la part belle à l'intrigue et aux personnages.

L'intrigue ne manque donc pas de péripéties et de rebondissements, avec force complots et organisations secrètes. Péripéties parfois peu utiles (tel ce chapitre où l'on rencontre le pirate Barbe Noire) ; quelques pages sont peut-être superflues. Mais ce ne sont pas quelques pages qui vont plomber ce roman. En revanche, les deux personnages principaux manquent d'épaisseur, et ne provoquent guère d'empathie chez le lecteur.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Les Démons du Roi-Soleil demeure un roman très plaisant. On attend la traduction des tomes suivants.

Philippe Heurtel → Keep Watching the Skies!, nº 41-42, janvier 2002

Lire aussi dans KWS une autre chronique de : les Démons du Roi-Soleil par Jérôme “Al” Durou

Commentaires

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.