KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Sébastien Cixous : Science et fiction

anthologie critique sur la Science-Fiction, 2000

chronique par Pascal J. Thomas, 2001

Les "Archives de l'Imaginaire" pubiées par Infini ont pour but de rendre accessibles à nouveau des articles sur la SF dispersés dans des supports plus ou moins confidentiels, qui vont des revues universitaires aux fanzines. Cette première livraison compte aussi son lot d'articles inédits (par l'anthologiste lui-même,(1) Pierre Jean Brouillaud et Philippe Clermont), et tous les auteurs ont eu l'occasion de réviser éventuellement leur texte.

Comptant parmi les contributeurs paresseux, je n'ai à peu près rien changé aux deux (!) articles de moi que Cixous a cru bon d'inclure dans le recueil. Je ne suis pas en mesure de porter un jugement critique sur mes propres œuvres. Disons qu'avec un article de Jean-Louis Trudel sur la relativité (et la physique du xxe siècle en général) à l'usage des lecteurs de SF, ils constituent la contribution des sciences “dures” au recueil.

Après l'introduction de Cixous, présentation générale et rectification de quelques idées reçues, Gérard Klein ouvre le recueil avec un article qui remet sobrement les pendules à l'heure — sur un ton qui est bien le sien — en ce qui concerne les rapports entre science et SF.

Joseph Altairac, Pierre Jean Brouillaud et Alfred Jarry (!), chacun à leur manière, évoquent des travestissements avoués de la science qui explorent la pensée scientifique par la réduction à l'absurde. Paradoxal aussi à sa manière, Gilles Menegaldo défend de façon documentée et passionnante le statut de H.P. Lovecraft comme auteur rationaliste, admirateur et connaisseur de la science de son temps — en dépit de l'ambiance d'inconnaissable et de terreur qui baigne ses textes.

Le cœur du livre, toutefois, réside dans cinq articles qui, tous, tournent autour des questions liées au vivant, et à la définition de la place de l'Homme dans l'ensemble de la vie. Que Darwin y tienne une place centrale n'est pas surprenant, et ne s'explique pas uniquement par le goût des universitaires pour les auteurs morts (les écrivains qui sont les sujets des articles sont respectivement Marivaux, Mary Shelley, H.G. Wells, J.-H. Rosny aîné et Edgar Rice Burroughs — l'arrangement chronologique est celui retenu par l'anthologiste). La définition de l'humain est un sujet central — sinon le sujet central — de la SF, et Darwin reste l'auteur d'un changement majeur de paradigme dans notre conception de l'humain.(2) Gwenhaël Ponnau sur la Machine à explorer le temps et l'Île du docteur Moreau, et Cixous sur Tarzan emportent mon adhésion sans réserves — en ceci que, entre autres choses, ils montrent comment leurs sujets s'inscrivaient, quelle que soit la forme fictionnelle de leur œuvre, dans des débats scientifiques et philosophiques de leur temps.

Issus de sources variées, dissemblables par leurs longueurs et leurs motivations, ces articles n'admettent pas un protocole de lecture unique mais tous retiennent l'attention. Les essais sur la SF semblent bien se vendre en ce moment, à leur modeste niveau — ce fut le cas à tout le moins pour le recueil publié il y a deux ou trois ans comme numéro spécial de Galaxies ; espérons que ce volume bénéficiera de la mode, il le mérite.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 40, septembre 2001


  1. Soyons honnête : un fragment en apparut dans KWS 31-32 mais ce n'est rien à côté du texte complet.
  2. Peut-être le xxe siècle a-t-il connu un génie comparable, mais il semble que notre perspective est encore trop courte pour que son influence soit mesurable.

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