KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Francis Berthelot : le Jeu du cormoran (le Rêve du démiurge – 4)

roman transfictif, 2001

chronique par Noé Gaillard, 2001

par ailleurs :

Après la Boîte à chimères [ 1 ] [ 2 ], recueil de nouvelles éparses, Berthelot nous propose un roman fantastique(1) à travers les tribulations de deux personnages principaux et trois secondaires. Ivan, jeune acrobate de dix-neuf ans, rejeté de son cirque et qui suit un cormoran au comportement étrange, Moa-Tao, jeune asiatique qui n'a pas encore choisi son sexe, voilà pour les principaux. Les personnages secondaires seraient un cormoran au regard étrange, un individu mystérieux aux yeux bleu métal, et finalement Tom-Boulon, ex-régisseur du théâtre où s'illustra Mélusath [ 1 ] [ 2 ], un alcoolique qui, à l'instar de Midas en quelque sorte, transforme tout ce qu'il touche en Vodka.

Le rapprochement Tom-Boulon/Midas n'est pas inconvenant si l'on se souvient que le premier essai de Berthelot traite de la Métamorphose généralisée et donc d'Ovide. En fait, on pourrait placer tout ce roman sous le signe de la mutation, de la métamorphose puisque le cormoran — dont le Dictionnaire des symboles ne signale pas de particularité — est aux yeux d'Ivan la “résurrection” d'un vieil illusionniste du cirque, puisque le mystérieux personnage est attesté par les initiales de ses noms et prénoms sous trois formes différentes, puisque Tom-Boulon se change en buveur d'eau devant celle qu'il aime. Enfin et surtout, parce qu'Ivan se transforme, par amour pour Moa-Tao, et que ce dernier sort enfin de sa chrysalide sous l'œil bienveillant du Cormoran.

Comme, excepté le cormoran et le mystérieux personnage qu'on peut présenter comme des reflets d'une même idée (Bien/Mal), tous les autres personnages subissent une métamorphose (plus ou moins volontaire et psychique, ou due au temps et involontaire), on peut placer ce roman sous le signe de la Métamorphose — et lui attribuer un côté fantastique puisque rien n'est expliqué. Mais ce fantastique-là n'a pas besoin de l'être ; il se suffit à lui-même. Et si j'en crois la petite phrase prononcée par Katri (la femme aimée par Tom-Boulon), on ne peut se métamorphoser que si l'on reconnaît ou refuse une culpabilité prononcée par le père… Le même problème se pose à Moa-Tao qui ne sait ou ne veut choisir entre la violence de son père et la soumission de sa mère. Ainsi la quête de soi des personnages de Berthelot se transforme en rédemption lorsqu'ils s'assument et se métamorphosent.

Vous pouvez très bien refuser mon analyse et lui dénier tout sérieux, mais vous serez d'accord, j'espère, pour estimer que le styliste Berthelot sait métamorphoser la langue en poésie et que les images qu'il crée constituent un univers où toutes les métamorphoses sont possibles. J'oserai même dire que la poésie de l'écrivain Berthelot est constituée des lambeaux de la chrysalide qui enfermait l'homme Berthelot.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 39, juin 2001

Lire aussi dans KWS d'autres chroniques de : le Rêve du démiurge [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] par Noé Gaillard & Éric Vial


  1. L'explication (?) des italiques viendra plus loin.

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