KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Serena Gentilhomme : les Nuits étrusques

roman fantastique, 1999

chronique par Jean-Louis Trudel, 2000

par ailleurs :

Les nuits de Florence sont dangereuses et perverses…

Dans ce nouveau livre de l'auteure bisontine Serena Gentilhomme, on retrouve de l'horreur servie saignante, épicée avec du sexe bien chaud, dans un arrangement nocturne qui enchaîne les points de vue narratifs.

Nonobstant mon manque d'enthousiasme pour l'Horreur, il m'a fallu un certain effort pour entrer dans l'histoire pour des raisons tout à fait indépendantes du genre choisi. Comme dans tous les romans de Naturellement que j'ai lus jusqu'à maintenant, j'ai trébuché en pleine prose sur des passages qui sonnaient faux, ou pas tout à fait juste. Il s'agit peut-être d'une sensibilité personnelle — quoique consentir dans le sens d'admettre ? dans une phrase où j'aurais remplacé dut consentir par en convint (p. 42) ? Cependant, je ne crois pas. Ordinairement, je me demanderais si l'auteure maîtrise aussi bien le français que l'italien, mais, ayant éprouvé des difficultés semblables avec deux autres romans de Naturellement, je m'interroge plutôt sur la qualité de la correction linguistique de la maison.

Néanmoins, au bout de quelques pages, je me suis laissé entraîner par l'histoire. (Je ne suis pas puriste — je serais plutôt impuriste, d'ailleurs — au point de laisser des scories stylistiques gâcher ma lecture.) Serena Gentilhomme livre une chronique des nuits fantastiques de Florence, la cité étrusque. Le roman est partagé entre neuf nuits distinctes, neuf personnages différents plongeant au cœur de l'horreur le temps d'une nuit. Des personnages reviennent, se croisent et se recroisent, morts ou vifs ou…

Les changements de point de vue sont d'abord abrupts, mais lorsque j'ai compris le procédé, j'ai apprécié le crescendo des premières nuits. L'auteure mêle d'ailleurs l'horreur sanguinolente et un humour truculent, très noir. Revenants, puissances infernales et leçons d'anatomie se joignent à la sarabande.

Toutefois, il me semble que l'horreur doit être quelque chose de très personnel, car j'ai trouvé qu'après la quatrième nuit, les trouvailles étaient plus rares et moins horrifiques, pour tout dire. Ce n'est alors qu'à la toute fin, lorsque l'amour se met de la partie, que les nuits étrusques ont retrouvé tout leur intérêt pour moi. La dernière rencontre, celle d'un écrivain de passage et d'une très vieille Florentine, est d'ailleurs magnifique, au carrefour du passé et du présent, du drame ancien et de l'horreur moderne. Qui a dit qu'un peu de sang ne donnait pas plus de goût à l'amour ?

Bref, c'est un roman diablement efficace si on ne se laisse pas décourager par les premières pages. Il n'est pas renversant d'originalité et tient peut-être un peu trop à distance le lecteur à force d'élégance moqueuse, mais il échappe aussi à nombre de poncifs du genre. Si mon intérêt est retombé quelque peu vers le milieu du livre, un autre lecteur aura peut-être la réaction contraire. L'atmosphère florentine est certainement pour quelque chose dans le charme de l'histoire, ainsi qu'une certaine retenue qui préfère évoquer le frisson que le vomissement. (Et, personnellement, j'ai une faiblesse pour l'humour noir, alors vous êtes prévenus…)

Je n'omettrai pas de signaler la photo de la couverture des Nuits étrusques, reproduisant une statue de cire proprement éventrée. À vous donner envie de visiter le musée de zoologie de l'université de Florence… peut-être.

Jean-Louis Trudel → Keep Watching the Skies!, nº 37, juillet 2000

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