KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Francis Berthelot : Mélusath (le Rêve du démiurge – 3)

roman transfictif, 1999

chronique par Éric Vial, 2000

par ailleurs :

Quand est paru l'Ombre d'un soldat, en 1994 — tempus fugit… —, il me semble en avoir parlé dans KWS.(1) Avec des précautions rhétoriques. C'était Francis Berthelot. On pouvait y trouver un peu de Fantastique. Et on a bien le droit de parler de temps en temps de mainstream. Ou des marges du genre. Même ici.

Avec Mélusath, il pourrait en aller de même. On pourrait saluer l'ancien auteur de SF voire de heroic Fantasy, qui ne se renie pas, et qui, au dos d'une couverture immaculée, au bas d'un prière d'insérer évoquant le théâtre, les Atrides, Oreste et Pylade et des rapports entre artistes interférant éventuellement avec ceux existant entre personnages, n'hésite pas à rappeler qu'il a eu le Grand Prix de la Science-Fiction Française en 1991, là où d'autres le cacheraient comme une tare. Il y est aussi question de « dérapage contrôlé vers le Fantastique, à partir de l'univers “réaliste” introduit dans les deux derniers » de ses romans, l'Ombre d'un soldat, justement, et le Jongleur interrompu. Et de fait, le Fantastique est bien présent. Un Fantastique discret, de l'ordre du mythologique, ou du conte. Intervenant presque tardivement, vers la page 87, quand les choses et les gens commencent à être en place. Avec un génie peint et qui prend vie, qui intervient dans la vie des personnages, qui les manipule. Qui emprunte parfois leur apparence. Qui ouvre des portes impossibles sur des univers issus de l'inconscient. Avec l'irruption du surnaturel dans un roman fort précisément daté, à la fin des années 1960. Un roman essentiellement psychologique. Ou psychanalytique. L'homosexualité, ce qui n'étonnera personne, la mère, mais aussi un personnage central de femme tourmentée, la gémellité, la culpabilité, l'âge et le temps, la coïncidence entre un prénom et un nom d'arbre, la mort, l'autorité et quelques autres choses encore. Et le théâtre, bien entendu.

On retrouve effectivement, par ailleurs, des allusions aux romans précédents. Des références. Et surtout des personnages, des thèmes. Les uniformes, l'Allemagne, l'occupation, le pantin démembré, le Carnaval moche.(2) Le tout filtré par la dénégation, le refus, l'amnésie pour tout dire, ce qui permet tout à la fois de lire le volume indépendamment, et de faire le lien avec ce qui précède si l'on a le goût des réseaux, des échos et des convergences. Dans ce cas-là, on pourrait même retrouver quelque intérêt à certaine nouvelle anonyme publiée autrefois par Limite, "le Parc zoonirique", relue en pensant à la page 126, à « la nécropole des jouets », à « ces animaux dont elle trouvait la profusion si naïve ».

Bref, on a tout à la fois du Fantastique et des convergences avec ce qui était de la SF, et aussi avec ce qui prétendait en être, plus une référence affirmée, légitimante, à la pratique de ladite SF. Le tout sous les couleurs de la littérature générale. Couleurs d'ailleurs si mêlées qu'en ressort du blanc. Le tout pour un public, celui de Fayard, peut-être d'ici quelque temps celui de France Loisirs,(3) public qui a peut-être ainsi une chance de plus de se dire que la SF n'est pas tout à fait la sci-fi qu'il croyait. Et l'amateur de Fantastique, s'il n'est point trop sectaire, ne sera sans doute pas déçu non plus.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 35, février 2000

Lire aussi dans KWS d'autres chroniques de : le Rêve du démiurge [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] par Noé Gaillard & Éric Vial


  1. Oui. —NdlR.
  2. Sous-titre d'un livre d'Alain Brossat sur les Tondues (Manya, 1993)
  3. Non. —NdlR.

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