KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Laurent Genefort : le Sang des immortels

roman de Science-Fiction, 1997

chronique par Jean-Louis Trudel, 1998

par ailleurs :

Dans la gamme de ce que fait Genefort, c'est un roman qui s'inscrit plutôt dans sa veine vernienne. On y retrouve les descriptions enthousiastes d'une nature exotique, les trouvailles inattendues pour se tirer d'affaire et la réunion de caractères opposés à l'intérieur d'un petit groupe isolé qui ne doit compter que sur lui-même pour survivre. Il y manque peut-être l'entrain et la verve spirituelle de Verne, mais c'est en partie parce que Genefort mise sur un suspense plus soutenu. Ses personnages, poursuivis par des guérilleros, aux prises avec les pièges d'une jungle extraterrestre, sont plus désespérés et moins enclins à plaisanter.

Verne, donc ? En fait, si je me souvenais plus distinctement de Hypérion de Dan Simmons, je serais sans doute tenté de voir dans ce livre un hommage à l'œuvre de celui-ci. Ces personnages disparates, dont un prêtre défroqué, qui se rassemblent sur une planète où il n'existe qu'une enclave colonisée par l'Humanité afin de partir à la chasse d'une créature mythique qu'on appelle le Drac, qui donnerait l'immortalité à ceux qu'elle ne tue point, ne sont pas sans rappeler les pèlerins de Simmons… Mais je n'insisterai pas sur ces ressemblances possibles qui ne gênent aucunement le plaisir de lecture — et je n'épiloguerai pas non plus sur la lecture à l'envers du nom de cette créature…

Comme souvent chez Genefort, c'est un roman du dépaysement. L'auteur accumule les néologismes avec un génie de l'expressivité de la langue française qui ne se dément pas. La densité de mots nouveaux atteint parfois un maximum sans jamais, je pense, le dépasser, retenant le lecteur tout juste au bord du précipice du charabia.

L'aventure se déroule tout d'une traite : Genefort a une façon d'écrire qui va droit au but tout en flânant. La vie intérieure des personnages est réduite au minimum sans jamais, toutefois, crever le plancher inférieur de la vraisemblance. (Pourtant, c'est un des rares ouvrages de Genefort à relever le pari d'une narration à la première personne, mais le point de vue du narrateur ne nous en apprend guère sur lui.) L'alliage un peu paradoxal de ces diverses composantes donne un roman d'action haletant, mais peut-être moins prenant que certains autres des livres de l'auteur, sans doute parce que la quête des uns et des autres ne nous touche qu'à peine. Ce qui est ironique puisque cette quête finit par prendre un sens inattendu pour le seul personnage qui n'avait aucun but, voire aucun espoir précis, en s'y lançant. À force de vouloir surprendre nos attentes, Genefort me semble se jouer un tour à lui-même : sachant à l'avance qu'une quête sera vaine, il se serait gardé d'exiger notre adhésion aux objectifs poursuivis par ses personnages condamnés à être déçus, ce qui l'empêche également de nous faire adhérer aux ambitions de ceux qui retireront peut-être quelque chose de l'aventure. Le motif américain de la quête triomphante, pour aussi galvaudé qu'il soit, présente au moins l'avantage d'une adéquation entre la présentation des personnages et la conclusion du récit…

Bref, les amateurs d'un bon petit roman d'aventures exotiques et palpitantes ne devraient pas être désappointés. Mais on peut aussi s'attendre à beaucoup mieux de Laurent Genefort.

Jean-Louis Trudel → Keep Watching the Skies!, nº 28, mai 1998

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