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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 26 la Peau sur les os

Keep Watching the Skies! nº 26, novembre 1997

Richard Bachman : la Peau sur les os

(Thinner)

roman fantastique ~ chroniqué par Philippe Paygnard

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Anticipant une bien hypothétique sortie en salles du dernier film de Tom Holland, les éditions Albin Michel rééditent la Peau sur les os, un roman de Richard Bachman. Voici donc l'occasion idéale pour dire quelques mots sur ce livre écrit sous pseudonyme — et ce n'est plus un secret pour personne depuis longtemps — par le roi de l'horreur : Stephen King.

La Peau sur les os fait partie de cet ensemble hétéroclite de cinq romans — six depuis la publication des Régulateurs en 1996 — parus sous le nom de plume de Richard Bachman, sombre alter ego de Stephen King. À l'inverse des Carrie, Salem et autres Christine, il ne s'agit pas de romans d'horreur. À travers ces cinq livres, Richard Bachman s'essaye à des genres bien différents : la Science-Fiction pessimiste avec Running man et Marche ou crève, le suspense psychologique dramatique avec Rage et Chantier. Seul la Peau sur les os, ultime roman écrit par Bachman “de son vivant”, peut par bien des aspects se rattacher aux œuvres de jeunesse de Stephen King.

En effet, ce dernier livre nous entraîne à la suite de Billy Halleck, avocat dans une petite ville qui n'est pas Castle Rock mais qui pourrait l'être. Homme de poids, au propre comme au figuré, il vient d'échapper à la justice des hommes après avoir accidentellement causé la mort d'une vieille gitane. Mais il n'échappera pas à la légitime vengeance du peuple gypsy. Lorsqu'un vieux gitan au nez mangé par un cancer lui murmure « Maigris », Billy Halleck pense qu'il vient de croiser un fou. Mais quand il se met à perdre du poids sans pouvoir rien y faire, ce n'est plus un sentiment d'angoisse qui l'étreint, mais une véritable et bien légitime terreur. Halleck se retrouve pris dans un engrenage dont la mort semble être la seule et unique issue, tant pour lui que pour ses proches, amis ou ennemis.

À l'évidence, la Peau sur les os est le roman le plus abouti de Richard Bachman. Il ne s'agit pas là d'une œuvre de jeunesse exhumée d'un quelconque tiroir comme Marche ou crève (écrit en 1967 et publié en 1979), ni d'un récit écrit, sous le coup d'une formidable inspiration, en quelques heures comme Running man (rédigé, dit-on, en moins de soixante-douze heures). Aussi sombre et désespérant que ces deux ouvrages, la Peau sur les os est une véritable descente aux enfers que le romancier traduit en partie dans le choix de ses titres de chapitres : "112 kilos", "110 kilos", et ainsi de suite jusqu'à un fatidique "53 kilos". Richard Bachman avait déjà utilisé ce système de compte à rebours mortel pour traduire la fuite sans espoir d'un Ben Richards dans Running man ou la course contre la mort de Ray Garraty dans Marche ou crève.

Mais la Peau sur les os est aussi le livre où l'auteur laisse deviner quel romancier se cache derrière le pseudonyme de Richard Bachman. Ne serait-ce qu'avec cette phrase prononcée par l'un des personnages du livre : « À vous entendre, on se serait cru dans un roman de Stephen King mais, croyez-moi, vous êtes loin du compte. » Quant au personnage de Ginelli, le mafioso qui vient en aide à Billy Halleck dans sa lutte contre la malédiction gitane, l'on découvre son nom dans la Tour sombre 1 : le Pistolero, un roman de Stephen King publié à peine deux ans avant la Peau sur les os. Autant d'éléments laissant à croire que King, consciemment ou inconsciemment, était prêt à abandonner cette seconde identité pour s'orienter vers de nouvelles directions, transformant Stephen King en un romancier classique.

la Peau sur les os est à l'évidence un roman essentiel dans la carrière de Stephen King car il annonce la venue d'un autre King, à mille lieues du faiseur d'horreur de Simetierre et compagnie. Voici donc venir l'auteur de Misery, Jessie, Dolores Claiborne, Rose Madder et d'autres encore, très certainement.