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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 26 l'Astre aux idiots

Keep Watching the Skies! nº 26, novembre 1997

Alain Dartevelle : l'Astre aux idiots

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Éric Vial

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Pour ceux qui n'auraient pas lu en son temps la nouvelle parue dans Futurs intérieurs, anthologie de chez Opta, publiée en une année qui ne nous rajeunirait guère, nouvelle allongée ici aux dimensions d'un court roman, autant expliquer qu'on a affaire à un Terrien qui part en vacances sur une planète hautement touristique, et rendue telle par sa population, des humanoïdes grotesques, des nabots ridicules, dont les visiteurs se moquent sans guère d'arrière-pensées. En toute innocence, pourrait-on dire ; c'est « le plus vaste défoulement collectif qu'ait jamais conçu cerveau de promoteur » — la quatrième de couverture reprend cette expression, présente par ailleurs page 34. Le touriste adhère à des amusements malsains, s'égare ou est égaré, assiste à une curieuse cérémonie à laquelle se livrent des autochtones, et s'aperçoit qu'il a été transformé en l'un d'entre eux. Rideau, suite au prochain épisode, ou au prochain volume.

Évidemment, il y a de bons côtés. Y compris un certain humanisme, un message généreux, tout ça. On pourra facilement faire une lecture anticolonialiste, ou voir dans cette histoire un plaidoyer pour un égal respect de tous les êtres humains. On ne saurait s'en plaindre. Le fait que le livre s'interrompe un peu brutalement, et qu'il faille attendre la suite, est un inconvénient mineur. Le vrai problème est plutôt celui du créneau choisi. Divers indices et le discours de l'éditeur — il s'agit de lancer une nouvelle collection, dont on a là l'amorce d'une sous-série — semblent indiquer qu'il s'agit des adolescents. Lesquels ont certainement des difficultés à lire les textes trop longs, comme l'indique d'ailleurs à satiété le succès parmi eux des écrits de Stephen King. Lesquels ont manifestement besoin que les lignes de ce qu'ils lisent soient bien espacées, comme le montre la typographie adoptée pour ce volume. Lesquels aiment probablement bien les couleurs à la fois criardes et quelque peu fanées, comme le prouve la couverture. M'ouais. Admettons. L'ennui, alors, c'est l'adjonction à la nouvelle initiale de quelques pages de cul, pour faire bon poids. Si le roman est fait pour être acheté par les parents, cela risque de poser problème. Mais s'il est censé être acheté directement par les ados, cela pourrait ne pas être mieux. Parce qu'icelles scènes ne relèvent ni du rabelaisien, façon San Antonio, ni du phantasmatique glamour, et qu'il se pourrait que les aller-retours d'un “professeur” — chapeau pour l'identification du collégien moyen au personnage — dans des bordels glauques, ne suscitent ni explosions libidinales, ni même intérêt poli. Ni le moraliste qui dort en chaque parent d'élève, ni le sempiternel cochon qui sommeille ne trouveront leur compte…

Errare criticum est, et il se peut que je sois dans la situation du digitum in ocule usque ad omoplatem. Si oui, tant mieux pour Dartevelle, dont le texte est loin d'être mauvais — même s'il était sans doute meilleur dans sa première version, l'élongation étant largement superfétatoire. Si non, ce sera un bide de plus… rien de grave [*].

Notes

[*] Le second tome du cycle de Vertor, le Grand transmutateur, est paru en septembre 1997 avec un superbe portrait de l'auteur en couverture ! — NdlR.