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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 20 En direct

Keep Watching the Skies! nº 20, juillet 1996

Norman Spinrad : En direct

(Pictures at eleven)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Éric Vial

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La SF est un des rares moyens efficaces de parler du monde réel, et non pas d'un monde révolu ou intemporel. Le polar en est évidemment un autre. Et Spinrad, pour ce roman, se place entre l'une et l'autre. Avec cependant, il faut le reconnaître, moins de l'une, celle qui nous intéresse ici, que de l'autre. De fait, on a affaire à huit jours de prise d'otages, dans une station de télévision privée, à Los Angeles. À des portraits et des itinéraires de présentateurs. À d'autres, de “terroristes” bien différents les uns des autres. À des magouilles de la CIA. À des chantages, des contre-chantages, des coups tordus et des retournements de situation. Le tout sur le fil du rasoir entre le présent et l'avenir immédiat, qu'il s'agisse des conséquences individuelles de la chute du mur de Berlin, des mécanismes de diffusion et de rediffusion des programmes des télévisions privées, de la sécheresse et de la pollution sur la côte californienne, ou enfin d'un projet d'implantation de réacteurs nucléaires juste sur une ligne de faille. Le tout dans le style Spinrad, à la fois “parlé” et formidablement maîtrisé. Formidablement efficace et roublard. Tout prêt à une adaptation télévisée. Tenant en haleine le lecteur, pour toutes les raisons sus dites et quelques autres.

Bref, on marche. Comme d'habitude. Pour le reste, il y aurait lieu de travailler sérieusement sur l'idéologie de Norman Spinrad — propre à réjouir le rédacteurenchef de KWS. Contre les conservatismes et les lobbies économiques, il plaide pour une démocratie et un libéralisme authentiques, c'est à dire pour le fait que tous se mêlent de ce qui les regarde, et pour une circulation réelle de l'information. Il y a là l'héritage de ces vieilles comédies rooseveltiennes où un Mister Smith démolissait les magouilles au Sénat, et où la saine utilisation des règles du petit capitalisme boursier permettait de mettre en échec des groupes animés de mauvaises intentions. Il y a là, aussi, un souvenir des années d'avant la crise économique, des années du rêve californien, ou kennedien, quand tout semblait possible. S'y ajoute une ironie et une lucidité tout à fait remarquables, une capacité à renverser les situations, à ménager les ambiguïtés, et au bout du compte, à montrer la puissance des médias, leur capacité à prendre en otage ceux qui ont cru pouvoir, par la force, les mettre à leur service.

Un thriller efficace, l'esquisse d'un monde situé entre le nôtre et celui des heures qui viennent, une réflexion sur la réalité : que voulez-vous de mieux ?