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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 16 l'Arc tendu du désir

Keep Watching the Skies! nº 16, janvier 1996

Philippe Curval : l'Arc tendu du désir

nouvelle de Science-Fiction ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Après le succès de l'anthologie Dangerous visions, Harlan Ellison a produit au début des années 70 un deuxième volume, Again, dangerous visions, qui s'est révélé trop court pour tous les textes qu'il avait envie d'y inclure. De là est né le projet des Last dangerous visions, projet toujours inabouti qui est devenu l'éléphant blanc de la S.-F. Christopher Priest, dans l'essai magnifiquement documenté paru sous forme de fanzine sous le titre de Last deadloss visions et celle de livre sous celui de the Book on the edge of forever, exposé à la fois très retenu dans son ton et assez franc pour avoir valu à son auteur l'hostilité mortelle et éternelle d'Ellison, relate la dérive de ce dernier vers une impasse professionelle et psychologique. À force de vouloir faire rentrer dans le livre tout ce qui lui paraissait intéressant en SF, l'anthologiste a rendu le projet impossible. Il est allé jusqu'à recruter des contributeurs en France ; Daniel Walther apparaissait dans un sommaire projeté dès 1973, et Curval, avec "l'Arc tendu du désir", en 1979. Le texte était donc connu, mais de façon légendaire, puisque toujours resté inédit en français.

Curval s'est toujours voulu, entre autres, écrivain de la sensualité. Le plus célèbre de ses textes inédits commence dans le droit fil de cette intention, avec l'arrivée sur Terre d'un jeune extra-terrestre qui ne fait penser à rien tant qu'au sketch de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander où Woody Allen et ses collègues endossent le rôle de spermatozoïdes prêts à être largués.

L'Élu — ou l'Héritier ? — commence son récit alors qu'il est sur le point de commencer son voyage initiatique vers Surat Tani, lieu sacré entre tous pour les Tchaï quoique sis sur la planète mère des humains, qu'ils ont éliminés dans un lointain passé. Le lecteur attentif n'aura bientôt pas le moindre doute sur le sort qui attend — non : qui est promis — au jeune protagoniste. Quoiqu'en dise André Ruellan dans sa postface apologétique.

Les Tchaï, qui sont des formes de vie végétale, sont pourtant sexués, et bien proches de nous par bien des côtés — celui de l'abdomen en particulier. Curval tisse avec maestria l'étrange et le familier, et sait faire rencontrer à son personnage quelques figures pittoresques au détour d'un développement dramatique tellement linéraire qu'on aurait du mal à parler d'intrigue.

Sans aucun doute, il s'agit pourtant de SF, par la construction d'un monde à la logique déformée, et pas aussi poétique qu'il ne pourrait y paraître. Il porte son âge en ceci que la biologie y est intégrée sans analyse, employée plus comme élément sensuel, et comme symbole de cette étreinte tragique du vieillissement qui est séquelle de l'accouplement. On voit pourtant combien ce texte a pu être important, ou aurait pu l'être s'il était sorti en son temps, à l'époque où son auteur représentait encore un élément significatif de la SF française.