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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 1 Cortez on Jupiter

Keep Watching the Skies! nº 1, mai 1992

Ernest Hogan : Cortez on Jupiter

roman de Science-Fiction inédit en français ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Pablo Cortez n'a pas grand-chose à voir avec Hernando, son homonyme du xvie siècle, puisque les parents de Pablo, Mexicains partisans du retour aux sources, appartenaient au mouvement Neo-Aztèque. Mais cela ne leur vaut qu'une mort précoce par overdose, et leur fils, Chicano élevé à Los Angeles, devient un voyou intellectuel. Artiste surtout, qui se distingue par des graffitis aussi brillants artistiquement que politiquement significatifs ; arrêté, condamné à des travaux d'utilité publique, il choisit d'aller les faire dans l'espace, où son manque de respect pour les autorités continue de lui causer des ennuis. Finalement, il se porte volontaire pour le projet Sirens, une tentative — plutôt désespérée — de contacter la forme de vie électromagnétique qui habite la Tache Rouge de Jupiter, et qui a tué instantanément tous les cosmonautes jusqu'alors envoyés à sa rencontre.

Ce livre pourrait plaire à tous les auteurs de S.-F. française qui ont placé l'art au centre de leur œuvre, et lui prêtent un rôle révolutionnaire ou mystique : Pablo, en allant à la rencontre des Sirènes, se fait héros sacrificiel, et chose originale, sa référence religio-culturelle est moins la Crucifixion que les sacrifices humains de ses ancêtres aztèques à Quetzalcoatl. Hélas, le livre force trop la note dans les références mexicaines, en particulier dans son écriture bourrée d'hispanismes douteux : si Pablo avait des difficultés avec l'anglais, on suppose que ce ne seraient pas les mots les plus simples de la langue qu'il remplacerait par des expressions espagnoles ; et les désinences hispaniques (-ito, -ada, etc.) plaquées sur des mots purement anglais n'arrivent pas à me convaincre. Elles fatiguent. Il faut dire que le livre n'est qu'un long flash-back sous prétexte d'interview du protagoniste — devenu célèbre —, entrecoupée des réminiscences de ceux qui l'ont côtoyé. Comme la majeure partie du texte est un long monologue de Pablo, le mode oral justifie les outrances du style. Je ne m'y suis pas accoutumé, et l'exagération oratoire de Pablo Cortez est venue s'ajouter aux exagérations du scénario ; la voix narrative se confond trop avec celle du personnage, et son arrogance totale trop bien traduite dans ses succès.

Il y a dans le livre quelques scènes fortes (Cortez se relevant d'un lit d'hôpital possédé par le désir de peindre et se servant des seules matières organiques à sa disposition), et pas mal de jeu sur les jargons des différents personnages. Mais il manque de finesse ; on ne voit pas ce qui est si original dans l'œuvre de M. Cortez, ni finalement dans celle de M. Hogan, au-delà d'une juxtaposition inusitée du contexte social de l'Amérique contemporaine (la montée de la population “hispanique”) et des clichés de la S.-F.