Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Kage Baker : the Graveyard game

roman de Science-Fiction inédit en français, 2001

Ellen Herzfeld, billet du 10 août 2007

par ailleurs :
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Dans les premier et troisième volumes de la série que j'appelle the Company ou Dr. Zeus, l'histoire était racontée du point de vue de Mendoza la botaniste (In the garden of Iden & Mendoza in Hollywood) ; dans le deuxième (Sky Coyote), c'était Joseph le narrateur et c'est de nouveau lui qui parle dans ce quatrième épisode. Il s'adresse à son “père”, celui qui l'a recruté il y a plusieurs milliers d'années.

Le rideau se lève en 1996, là où Mendoza, son compagnon Einar et leurs chevaux sont apparus après avoir fait un bond réputé impossible vers l'avenir. Ils sont manifestement attendus et renvoyés dare-dare vers l'année 1862, sous les yeux stupéfaits de Lewis, immortel spécialisé en littérature et amoureux en secret de Mendoza, qui comprend que tout n'est pas pour le mieux et qui cherche à la prévenir, mais en vain. Lewis, qui sait qu'elle a disparu après l'épisode catastrophique qui clôt le volume trois, contacte Joseph et, d'un commun accord, ils décident de tout faire pour la retrouver et, par la même occasion, d'essayer de savoir ce que deviennent les immortels qui ne sont plus utiles à la Compagnie et dont personne n'entend plus jamais parler. Parmi lesquels il y a Budu, le “père” de Joseph, qui aurait eu une carrière particulièrement peu reluisante avant de disparaître. Bien qu'il n'apparaisse à aucun moment, l'ombre de l'étrange amoureux anglais de Mendoza plane en permanence, car Lewis est devenu obsédé par son histoire qu'il assemble patiemment bribe par bribe, puis qu'il invente complètement en écrivant un roman dans le roman.

Ensemble ou séparément, ils vont sillonner le monde pendant plus de deux siècles, ce qui sera l'occasion de retrouver certains personnages vus ou entrevus dans les trois premiers romans et de visiter l'Angleterre, la France, le Maroc, divers endroits de ce qui fut les États-Unis, dont la Californie maintenant indépendante. Tout le roman tourne autour de ces quêtes particulières (qu'est devenue Mendoza, où est Budu, qui est Nicolas Harpole/Edward Elton Bell Fairfax), mais la vraie question concerne les actions et motivations véritables de la Compagnie. Et aussi ce qui va se passer en 2355, date au-delà de laquelle les immortels ne savent plus rien, et qui marque, on le pense, la fin de la mission collective des cyborgs.

Les énigmes déjà en place ne sont guère élucidées et de nouveaux mystères surgissent, dont l'existence de petits êtres sinistres, peut-être pas tout à fait humains, qui détiennent des secrets technologiques apparemment supérieurs par certains côtés à ceux que possèdent les gens de Dr. Zeus eux-mêmes. Des factions se forment parmi les immortels, et on entre dans une période de suspicion et de traîtrise, rendue particulièrement délicate du fait des moyens d'observation et de contrôle dont disposent les uns et les autres. Joseph et Lewis, par leur obstination — mais aussi peut-être parce qu'ils sont manipulés —, découvrent des choses sur l'origine et l'organisation de la Compagnie qui vont les mettre en danger… de mort.

La vision que nous donne l'auteur du monde en 2026, en 2142, puis en 2275 est très fragmentaire, comme si l'extrapolation ne l'intéressait que pour ce qu'elle permet de satire sociale. Certes, il y a eu des guerres, des épidémies, des catastrophes naturelles, et les problèmes d'énergie ont été résolus par la fusion froide et l'antigravité, mais on ne s'attarde guère sur ces choses banales… Ce qui l'amuse plus, c'est de décrire l'évolution des mœurs : dans certains pays, il est interdit de consommer de la viande et des laitages au nom des droits des animaux, et aussi de l'alcool, des sucreries, du chocolat. D'où quelques petits épisodes comiques où les humains “normaux” paraissent, comme précédemment, assez ridicules. Mais en fait, l'avenir dépeint est plutôt noir, surtout pour les cyborgs pour lesquels l'immortalité ne serait finalement pas une si belle affaire que ça.

Ce quatrième volume n'est absolument pas lisible indépendamment car il repose entièrement sur le contexte et les événements décrits dans ceux qui précédent. Il approfondit certes quelques personnages et présente un certain nombre de péripéties et d'aventures fort habilement racontées mais il fait surtout avancer la métahistoire, celle de l'ensemble de la série, plutôt qu'une intrigue propre au roman. Alors que je l'ai lu avec un intérêt constant, arrivée à la dernière page, je n'ai pas du tout eu le sentiment d'avoir terminé quelque chose. D'ailleurs, ce n'est pas terminé…(1)

Ellen Herzfeld → vendredi 10 août 2007, 11:09, catégorie Lectures


  1. En ce qui me concerne, ça l'est toutefois : je m'aperçois en 2015 que je n'ai rien écrit sur les volumes suivants, que j'ai pourtant tous lus avec le plus grand plaisir. J'envisage même un jour de relire l'intégralité de la série, c'est dire…

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