Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Jack McDevitt : Time travelers never die

roman de Science-Fiction inédit en français, 2009

Ellen Herzfeld, billet du 13 mai 2010

par ailleurs :

Ce texte, "Time travelers never die" (non traduit à ce jour) a commencé sa vie en tant que novella, publiée dans Asimov's en 1996, puis s'est transformé en roman, paru en 2009. Comme j'aime tout particulièrement les histoires de voyage dans le temps, j'ai bien sûr lu la première version à l'époque, puis me suis empressée d'acheter le roman, qui s'avère être une expansion de la nouvelle avec quand même beaucoup de changements.

Donc, le roman. C'est l'histoire de deux amis, David Dryden et Adrian Shelborne, qui se retrouvent en possession d'appareils ressemblant à des “Q-pods”, engins manifestement d'usage courant en 2018, et qui ont tout de l'iPad (oui…). Seulement, ceux-ci ont été secrètement modifiés par le père d'Adrian, Michael, brillant physicien, et permettent de se déplacer comme on veut, dans l'espace, et vers l'avenir ou le passé. Celui-ci a disparu mystérieusement mais avait auparavant confié à son avocat une enveloppe à remettre à son fils s'il survenait certains événements, comme son décès ou sa disparition. Elle contient une lettre où il demande à Adrian de récupérer certains appareils dans un coffre de la Poste et, sans autre explication, lui intime l'ordre de les détruire radicalement. Bien évidemment, Adrian n'en fait rien et, au contraire, essaye de comprendre à quoi ces machines un peu bizarres peuvent bien servir.

Une fois qu'il a réussi à les faire marcher et à déterminer de quoi il s'agit — il n'a pas de mode d'emploi —, il se lance, avec son ami Dave, dans la recherche du père disparu et, pendant qu'ils y sont, ils en profitent pour visiter diverses époques du passé qui intéressent l'un ou l'autre. On fait donc un tour, entre autres, dans la Grèce antique et dans l'Amérique lors de quelques moments que l'auteur a jugés signifiants de son histoire, ancienne ou plus récente. Les deux amis retrouvent, après moult difficultés, le père Shelborne, qui est coincé depuis des années dans l'Italie de la Renaissance car son appareil est tombé accidentellement dans l'eau à l'occasion d'un saut temporel.

Il y a aussi une trame sentimentale : Dave présente Helen, dont il est secrètement amoureux, à Adrian, et les deux s'attachent rapidement l'un à l'autre, créant à plusieurs reprises des dilemmes pénibles pour le pauvre Dave, qui maintient, envers et contre tout, un comportement de parfait gentleman. Les deux compères ne vont parler à personne de leurs escapades temporelles, jusqu'à ce qu'Adrian meure, dans des circonstances étranges, dans l'incendie de sa maison. Mais quand on voyage dans le temps, on peut réapparaître après sa mort, à condition d'être parti avant…

L'intrigue est assez compliquée — comme souvent dans ce genre d'histoires — mais reste, dans le contexte, parfaitement cohérente avec des personnages sympathiques, soigneusement campés et convaincants. Un thème récurrent est la visite de la bibliothèque d'Alexandrie, où ils se lient d'amitié avec le conservateur et arrivent ainsi à récupérer des textes perdus, dont des pièces de théâtre de Sophocle. Il s'y ajoute des réflexions philosophiques intéressantes mais sans surprise pour le lecteur habitué à ce genre de choses, présentées d'une manière qui n'alourdit en rien la narration.

La seule chose qui m'a dérangée, c'est le nombre de scènes “historiques” qui ne font guère avancer l'intrigue ; elles semblent être là uniquement pour permettre à l'auteur, dont l'intérêt pour le sujet est connu, de se faire plaisir. De plus, les deux amis participent aux événements, en faisant attention de ne pas créer de paradoxe, mais c'est quand même osé. Comme je ne connais pas grand-chose à l'histoire de l'Amérique, que ce soit celle du xviiie siècle ou du début du xxe, j'ai dû assez souvent consulter Wikipédia pour comprendre ce qui se passait et en quoi l'épisode ou le personnage avait été important. Ce qui casse quand même un peu l'ambiance, mais on ne peut reprocher à l'auteur les lacunes du lecteur — et dans mon cas, il s'agit plutôt de trous béants. Curieusement, des situations similaires dans le cycle de la Compagnie de Kage Baker ne m'ont pas du tout fait le même effet.(1)

McDevitt reste toujours très délicat, si je puis dire, ce qui change franchement de Stephen Baxter, que j'ai beaucoup lu récemment.(2) Peu de scènes violentes, et pas de gore, même quand le sujet aurait pu s'y prêter. Les protagonistes — difficile de les appeler “héros” — sont des gens très ordinaires, qui se comportent comme tel avec leur travers, leurs qualités, leurs faiblesses. Le sort de l'Humanité est rarement en jeu — ce n'est d'ailleurs pas le but de l'histoire —, moins même dans le roman que dans la nouvelle. Pas d'actions grandioses, pas de scènes cosmiques. Un récit intimiste, agréable et distrayant, où une découverte pourtant plus qu'extraordinaire est gardée soigneusement, et sans doute à juste titre, secrète, et ne sert qu'à permettre à quelques personnes — et au lecteur par procuration — de vivre une vie tout de même hors du commun.


  1. In the garden of Iden, Sky Coyote, Mendoza in Hollywood & the Graveyard game.
  2. Cf. mes billets sur les quatre tomes de Destiny's children (Coalescent, Exultant, Transcendent & Resplendent).

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