Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Stephen Baxter : Time (Manifold – 1)

roman de Science-Fiction, 1999

traduction française en 2007 : Temps

Ellen Herzfeld, billet du 5 décembre 2006

par ailleurs :

Avec courage, j'entreprends la série Manifold de Stephen Baxter. Le premier est Time.(1) Le début est une variante de la nouvelle "Sheena 5" (parue dans Analog en mai 2000, reprise dans le Year's best SF 6 de David G. Hartwell, et que l'on retrouve dans le recueil Phase space). Sheena est un calmar génétiquement modifié pour être intelligent et pouvoir servir de pilote de vaisseau interplanétaire. L'intrigue est multiple, avec essentiellement un héros heinleinien, l'entrepreneur Reid Malenfant — oui, ce nom a dérangé ma lecture pendant tout le livre — qui veut se substituer à la NASA, embourbée dans la politique et l'immobilisme, pour se lancer à la conquête des étoiles. Au départ, c'est un projet parfaitement terre-à-terre — si l'on peut dire — fondé sur des considérations économiques, mais bientôt, la motivation change, car des études statistiques démontrent que l'espèce humaine est condamnée à court terme, c'est-à-dire deux ou trois siècles tout au plus. Ce serait une théorie véritable, selon les notes en fin de volume… Je n'y ai rien compris et je n'ai pas cherché plus loin non plus. Parallèlement, des enfants bizarres — dit enfants bleus, à cause d'une obsession avec un cercle bleu qu'ils partagent tous — apparaissent un peu partout sur Terre. Ils sont plus que surdoués et déclenchent des réactions variées, surtout de peur et de haine, aboutissant à leur internement dans des écoles spéciales tant pour leur protection que pour les surveiller et les contrôler. Selon les pays et les moments, ils sont plus ou moins — plutôt moins — bien traités.

Alors qu'au départ, Malenfant voulait aller exploiter les ressources minières des astéroïdes, son attention se tourne — grâce à un savant devenu adepte d'une sorte de secte et de messages en provenance, semble-t-il, de l'avenir —, vers Cruithne, un astéroïde très particulier par son orbite en phase avec celle de la Terre. Une deuxième lune en quelque sorte, mais en orbite autour du Soleil. Sur ce rocher, il y a un artefact d'origine inconnue, qui permet de voir, et de voyager, vers l'avenir. De sorte que vers le milieu du livre, on a déjà fait un tour jusqu'à la mort entropique de l'univers !

C'est dire que c'est cosmique, comme souvent chez Baxter. C'est tellement cosmique que l'intrigue s'y perd un peu. L'histoire est décousue, semble aller quelque part puis se déroute ailleurs. Les personnages sont moyennement convaincants. Ceux que j'aurais voulu connaître un peu mieux, ou que je m'attendais à voir plus en profondeur, ne font que passer. La fin est grandiose et originale, avec des considérations hardies qui laisseront sur place pas mal de lecteurs. Moi, j'ai toujours été une fan de cosmologie donc je n'étais pas trop dépaysée, mais bon, je trouve qu'elle traîne quand même un peu en longueur, cette fin, à force d'explications.

Ne nous méprenons pas. J'ai bien aimé. J'ai trouvé ce livre agréable et intéressant. Mais je me suis demandé plus précisément ce qui manquait et je crois que je sais. Il manque un peu de chaleur humaine, malgré quelques épisodes touchants, mais surtout il n'y a quasiment aucune réflexion philosophique ou éthique un peu soutenue. Rien. Nada. Si, peut-être une toute petite interrogation sur l'éthique de rendre les calmars intelligents uniquement pour les utiliser et les sacrifier. Quelques mots sur la façon dont sont traités les enfants bleus. On discute par contre du but ultime de l'existence de l'animal pensant qu'est l'Homme et Baxter apporte même une réponse qui est finalement le nœud du livre. C'est de la Science-Fiction véritable, pur jus. De la hard SF qui n'a peur de rien. C'est grandiose, pas de doute. Mais ce n'est pas du Greg Egan…


  1. Les autres volumes de la série sont les romans Space & Origin, plus un recueil de nouvelles non traduit, Phase space.

Commentaires

  1. inoshirolundi 11 décembre 2006, 18:38

    Qui peut faire mieux que Egan ; je demande !

    C'est pas grave, on lira Baxter quand même !!!!

  2. NiCoOlundi 7 mai 2007, 20:38

    Livre acheté à la va-vite en gare de Lyon en prévision d'un long voyage, je viens de découvrir cet auteur et je suis vraiment fan de son style !

    Je n'avais pas ressenti ça depuis ma lecture de la trilogie des Mars.

  3. Maykumardi 13 mai 2008, 02:38

    Ce n'est pas la même chose.

    Si la force d'Egan est de réussir à développer des personnages charismatiques sans pour autant oublier le côté “hard”, Baxter nous donne une sensation unique de vertige. La psychologie des personnages, la philosophie et autres éthiques ne sont rien comparées au sujet du livre : le temps. Nous avons affaire à un zoom gigantesque sur l'Histoire ou plutôt l'espace-temps.

    Greg Egan et Stephen Baxter sont tous deux de très bons auteurs mais l'un traite du point de vue d'un humain tandis que l'autre, de l'humanité.

    MK.

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