Carnet de Philippe Curval, catégorie Général

Toujours le même refrain

Philippe Curval, billet du 2 mars 2006

En supplément, un petit commentaire sur l'une des émissions les plus bêtes du PAF, le Coup de cœur des libraires, dirigée par Valérie Expert sur LCI. On y voit apparaître un personnage tonitruant, Gérard Collard, qui s'est fait la tête de Tintin, crâne rasé et ridicule petite mèche noire de glu sur le devant, qui présente en vrac albums, BD, romans avec pour seuls commentaires : « Non, non, c'est très très merveilleux, hypergénial, ça fonctionne dans la tête et ça la fatigue pas ! L'auteur, un mec extraordinaire. Si, si ! ». Etc.

Aujourd'hui, par exemple, il présentait Eternity express de Jean-Michel Truong, réédité en poche. Résumant l'intrigue qui comme chacun sait est de la pure SF, il concluait (je cite de mémoire défaillante) : « Un thriller passionnant, au poil, surtout pas pour les amateurs de Science-Fiction, non, non ! ».

Après quoi, une autre libraire parlait de l'Andreas Eschbach paru à l'Atalante, le Dernier de son espèce, affirmant qu'il ne fallait en aucun cas s'inquiéter de son côté Science-Fiction, qu'on pouvait l'oublier. « Il s'agit d'abord d'un roman. » concluait-elle.

À l'idée qu'on puisse penser que la SF fait partie de la littérature, la terreur se lisait dans les yeux de tous les participants.

Commentaires

  1. Svendredi 3 mars 2006, 09:44

    On retrouve aussi Gérard dans le Magazine de la Santé sur France 5… Il avait été longtemps dans une autre émission mais je ne me souviens plus laquelle… En tout cas, il ne m'a jamais fait acheter un seul bouquin.

    J'ai retrouvé un petit écho à votre “post" dans mes lectures nocturnes :

    « Bernstein n'avait pas d'adresse où te joindre. Je lui ai dit de me filer le chèque et que je te dénicherais.
    — Comment as-tu fait ?
    — J'ai su par Margie que tu étais dans le coin. Il ne me restait plus qu'à faire le tour des bars. Je savais bien qu'un jour ou l'autre…
    — Miracle ! C'est la première fois que j'y mettais le pied depuis mon coup de téléphone à Margie et ce devait être la dernière avant longtemps. Mais revenons à Bernstein. Qu'est-ce qu'il dit de tout ça ?
    — Qu'il faut que tu lâches la Science-Fiction. Elle est morte. On ne peut quand même pas demander aux gens d'avoir envie de lire des histoires de l'espace, en ce moment ! Les Martiens, ils les ont à domicile. Mais comme ils lisent toujours, il y a un grand boom sur les policiers et plus encore sur les westerns. Alors Bernstein dit que si tu t'es attelé à ce roman de Science-Fiction… Au fait, est-ce le cas ?
    — À vrai dire non.
    — Parfait ! De toute façon, Bernstein n'en veut pas. Il voulait que tu arrêtes d'y travailler. »

    Extrait de Martiens, go home!, Fredric Brown, 1957.

  2. Xvendredi 31 mars 2006, 13:17

    Vous revenez quand M. Curval ? Ça manque vos petites chroniques…

  3. Arnaldusmardi 4 avril 2006, 16:09

    On ne peut que se désoler de l'image de la Science-Fiction en France. Ceci dit, l'effort du côté de l'offre (auteurs et éditeurs) depuis de nombreuses années y est peut-être pour quelque chose. Je me demande si on ne paye pas une sorte de “péché originel” d'avoir voulu a) faire à tout prix une SF “différente” de celle des Anglo-Saxons, avant même d'avoir construit un lectorat, et b) de privilégier des thèmes “pessimistes” style fin du monde, fin des Hommes, etc.

    (Je mets des guillemets parce que je sais que ce n'est pas aussi simple, mais moi aussi ça m'énerve de voir une littérature aussi passionnante être aussi mal considérée.)

  4. Patrice Lajoyesamedi 29 avril 2006, 22:26

    Bonjour à tous,

    Quand on parle d'image de la SF en France, il faut prendre garde aussi qu'une grande part de la faute revient aux éditeurs eux-mêmes. Pendant longtemps, je n'ai pas voulu ouvrir un seul livre de Bragelonne (par exemple)… à cause des couvertures.

    Je sais bien que dans notre domaine il fait se méfier de ça. Mais tout de même.

    Trop souvent les romans de SF ont l'apparence de BD pour ados, avec des types hyper-musclés, des nanas un peu dévêtues, des gros vaisseaux spatiaux ou des dragons (le dragon, ça se vend beaucoup mieux en ce moment, d'ailleurs).

    Pas étonnant que les libraires aient une si mauvaise opinion de ce genre.

  5. Martinique O. Domeljeudi 1er octobre 2015, 16:54

    Presque dix ans plus tard, un épisode qui montre que rien n'a encore changé : j'explique au libraire de l'étage littérature chez Gibert Jeune que la reprise en poche de Retour à Stonemouth aurait dû normalement se faire, comme en grand format, sous le nom d'Iain Banks tout court, sans "M" donc, et que ce roman n'a rien à faire sur la table SF.

    Après m'avoir écouté, il appelle son collègue du poche, à l'étage au-dessus, et commence ainsi la conversation : « On me dit qu'Iain Banks a fait quelque chose de bien, pour une fois, et que son livre devrait se retrouver chez toi. ».

    Bien sûr, ledit collègue n'en a pas voulu…

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