Carnet de Philippe Curval, catégorie Général

Ratware

Philippe Curval, billet du 4 avril 2005

Intéressant problème d'avenir aux Indes. Un grave péril est annoncé. Il concerne le papier. Le gouvernement central et ceux des différents États viennent de s'apercevoir qu'un fléau terrible ravageait le pays : faute de trouver mieux à se mettre sous la dent, les rats dévorent les archives.

À Bombay, Calcutta, Madras, à Chandigarh, Luknow, Patna, jusque dans les plus petits villages, les rongeurs s'emparent de la mémoire historique d'un peuple. Dévorés, les bulletins de naissance, avalés, les actes de mariage, boulottés les testaments, bouffés les actes de décès. Si le phénomène s'amplifie, dans quelques dizaines d'années, chaque Indien aura atteint le parfait anonymat. Il naîtra, vivra, brûlera sur le bûcher sans laisser la moindre trace, car aucun papier ne témoignera de sa réalité légale.

Ce qui n'empêchera pas, en attendant la fin, de mourir de faim et de misère pour la majorité des citoyens.

Néanmoins, il est nécessaire de prendre des mesures d'urgence afin d'enrayer le fléau. Sans imagination aucune, l'administration installe des batteries de tapettes à rats dans les corridors et des coupelles de granulés hémorragiques dans les placards.

Je pense avoir trouvé une meilleure solution. Pourquoi ne pas sonder les cerveaux des rongeurs ? Dans un pays où l'informatique fait des progrès considérables, cela ne devrait pas être difficile de percer le secret de ces animaux, afin de savoir si, en ingérant les archives, ils n'en conserveraient pas les informations. Au cas où la réponse serait positive, la solution sera très simple : il suffira de capturer tous les rats, de les rendre immortels, de les câbler, de les mettre en ligne et de les adorer. Voilà qui permettra au peuple de manger les vaches sacrées dont le rôle sera enfin dévalué.

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