Carnet de Philippe Curval, catégorie Chroniques

Terry Pratchett ; Stephen Baxter : la Longue Terre

(the Long Earth, 2012)

roman de Science-Fiction

Philippe Curval, billet du 7 août 2013

par ailleurs :
La longue pizza

Je viens d'apprendre une nouvelle passionnante au sujet des imprimantes à trois dimensions. Il s'agit pour les chercheurs de la NASA de mettre au point, en vue d'un futur voyage vers Mars, une imprimante à pizza qui permettrait aux spatio-astro-cosmonautes de se nourrir d'une manière diversifiée au cours de leur très long voyage.

J'imagine la difficulté de synthétiser déjà les trois composants essentiels, la pâte, le coulis de tomate, la mozzarella dans les trois cartouches au format PTM de l'imprimante, sans compter, afin de varier les menus, les apps supplémentaires, sicilienne, napolitaine, romaine, reine, etc.

Dans un certain sens, et loin d'établir une comparaison malveillante, la Longue Terre, roman de Terry Pratchett et Stephen Baxter qui vient de paraître aux éditions l'Atalante, évoque un projet similaire. Comment réunir en effet deux écrivains aussi opposés dans leur style et dans leurs idées pour produire un artefact littéraire assimilable par un lecteur lambda (qui doit accueillir par une température de 2,2 kelvins une superfluidité mentale et une conductivité intellectuelle très élevée) ?

Détective critique et féru de mystère, je me suis lancé sans tarder dans la lecture de cet ovni éditorial.

L'idée de départ est plaisante. Willis Linsay a créé un appareil improbable dont la technologie est facile à assimiler par le commun des mortels. Il suffit de placer une pomme de terre en son centre pour “passer” dans une suite interminable de terres parallèles Est-Ouest. Toutes vierges d'Humanité, aux climats fort disparates, peuplées de faunes et de flores d'une infinie variété. Pas de problème pour y voyager, à part un coup au plexus qui provoque de fortes nausées.

Sauf pour le très jeune Josué Valienté, passeur naturel qui, en sauvant de jeunes imprudents égarés dans la longue terre, va acquérir une vraie notoriété. Je ne dirais pas internationale, car le roman est d'un américanocentriste parfois déplaisant. Ce qui n'a rien d'étonnant de la part de deux écrivains anglais.

Des années plus tard, un distributeur de boisson nommée Lobsang qui se prétend un ancien mécanicien tibétain, sans doute par allusion à Lobsang Rampa auteur de volumes insipides à propos du corps astral qui connurent un immense succès, va proposer à José d'explorer la longue terre pour vérifier si elle se termine quelque part.

Lobsang est-il une IA ou un humain ? Nous n'en saurons rien.

Mais il possède tant d'apparences diverses et de sauvegardes que Pratchett et Baxter peuvent sans problème lui consacrer le nombre de volumes qu'il leur plaira.

Je n'entrerai pas dans le détail de ce roman paresseux semé de quelques perles, de soubresauts d'humour, d'aperçus originaux sur l'installation des pionniers, sur la façon dont leur départ vers ces terres nouvelles va déstabiliser l'équilibre des sociétés. Son principal intérêt réside dans la confrontation entre ses deux auteurs qui, visiblement, s'entendent à merveille. Le premier s'ingéniant à faire passer l'idée que les elfes et les trolls proviennent sans doute de la longue terre et nous envahissent peu à peu.

Le second disserte sur les principes de l'évolution à travers les terres parallèles. L'un et l'autre s'unissent autour d'une idée forte : si elle n'a pas l'occasion d'entreprendre la conquête de nouveaux territoires pour assurer son avenir, l'Humanité ira à vau-l'eau.

En somme, de vrais auteurs de SF qui, même s'ils ne disposent que d'une imprimante à 2D, concourent à nous embarquer en se divertissant vers d'autres dimensions.

Philippe Curval → mercredi 7 août 2013, 19:19, catégorie Chroniques

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